Quicaillerie RONA

RONA acheté par Lowe’s

Au moment où le Québec tente de se faire une idée à propos de la vente de RONA, le géant québécois de la quincaillerie, Lowe’s célèbre son acquisition.

D’ailleurs, dans leur site web canadien, Lowe’s ont publié cet extrait qui explique ce qui vient de se passer, il y a 3 jours:

“Le 3 février 2016, Lowe’s et RONA ont annoncé conjointement qu’elles étaient parvenues à une entente en vertu de laquelle Lowe’s allait acquérir RONA, créant ainsi la plus importante chaîne de détaillants en rénovation du Canada. L’entente est fondée sur des motifs stratégiques indiscutables pour les deux sociétés : le pouvoir des marques de premier plan de RONA et ses emplacements devraient ajouter un complément au réseau mondial et à la portée de Lowe’s. Les deux compagnies estiment que cette transaction sera à l’avantage des actionnaires, des détaillants, des employés, des clients et des communautés au Canada.”

Vous êtes également invités à lire le long communiqué que Lowe’s a rendu public pour expliquer ce qu’il entend accomplir avec cette achat de 3,2 milliards de dollars canadiens.

Clairement, on assiste à un immense transfert de pouvoir entre le bureau chef de RONA à Boucherville, au Québec et celui de Lowe’s, à Mooresville, en Caroline du Nord.

Un dollar canadien faible et une économie résolument timide auront été des facteurs déterminants pour Lowe’s, dans sa décision de donner suite à sa première offre d’achat hostile, en 2012 avec une offre d’achat bonifiée (en février 2016) d’environ 20%, une fois le taux de change (quelques 30% plus bas, au Canada) pris en compte.

Ainsi, Lowe’s achète un important concurrent canadien à un prix somme toute très escompté et devant une offre à 24$ pour des actions qui se transigeaient sous la barre des 12$, c’était prévisible que les actionnaires de RONA seraient enchantés de passer à la caisse et réaliser un profit représentant un peu plus du double de la valeur de leurs actions.

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On se rappellera qu’en 2012, Investissement Québec (IQ) avait acheté un bloc d’actions de RONA pour empêcher la vente à Lowe’s mais en 2016, l’ex-ministre de l’Économie et responsable d’IQ, Jacques Daoust n’a RIEN FAIT pour s’opposer à l’achat, par des Américains.

Même réflexe à la Caisse de dépôt et de placement du Québec, dirigé par Michael Sabia qui a décidé de ne pas protéger RONA de cette offre d’achat et qui, au passage, réalise un profit considérable, en vendant son bloc d’actions (environ un demi-milliard de dollars).

Cette fois-ci, RONA, un fleuron du Québec inc. a été laissé à lui-même et faute d’alternatives, a choisi de passer aux mains de Lowe’s.

Contexte inquiétant

Il faut dire que RONA stagnait, depuis plusieurs années. Avec des ventes d’environ 4 milliards de dollars, le géant de la quincaillerie ne brillait pas, au chapitre de la productivité de ses employés — surtout pas en comparaison de Lowe’s qui se prépare surement à changer les méthodes de travail et de vente, avec les employés des succursales RONA qui deviendront des Lowe’s.

Ça explique probablement en partie pourquoi RONA s’inquiétait de l’arrivée dans ses principaux marchés de l’américaine Lowe’s. Là, c’est une acquisition avec un profit dégagé pour les actionnaires québécois mais ça aurait été pas mal moins profitable si Lowe’s avait décidé de financer une offensive contre RONA. Ça aurait pu mal tourner, comme pour Target mais ça aurait pu réussir, aussi et là, RONA aurait peut-être tout perdu.

Dans un tel contexte, difficile pour RONA de refuser cette opportunité de sortir la tête haute, économiquement parlant.

Les nouveaux riches

On voit que pour les actionnaires de RONA, l’histoire va bien finir.

Ils vont ramasser 3,2 milliards de dollars et la prochaine fois que vous les verrez, ils seront probablement quelque part dans leur luxueuse demeure, au soleil, partagés entre leur matinées au golf, leur après-midi à la marina et la soirée dans des évènements mondains. Ce sera la grosse vie, pour eux. Ils oublieront que le Québec existe, tellement ils savoureront leur nouvelle vie paradisiaque.

Même les actionnaires qui étaient riches seront incroyablement plus riches, avec ces 3,2 milliards de dollars d’argent neuf, gracieuseté de Lowe’s.

Normalement, on penserait que ces actionnaires utiliseraient ces fonds pour lancer d’autres entreprises et ainsi faire fleurir le Québec, économiquement mais sans dire que ça n’arrivera pas, avec quelques actionnaires plus nationalistes, plusieurs d’entre-eux semblent plus près de la retraite que l’âge où l’on retrouve habituellement les entrepreneurs. En ce sens, ces milliards vont probablement davantage enrichir des resorts du Sud des États-Unis que des start-ups québécoises.

Il n’y a rien de mal, économiquement, à s’enfuir ailleurs pour profiter pleinement de sa fortune. On le voit continuellement, c’est devenu un réflexe, un rêve, un objectif, pour les riches.

S’il existait une règle qui force ces nouveaux riches à dépenser leur argent au Québec, la vente de RONA serait alors une bonne nouvelle pour TOUS les Québécois parce que ces milliards engendreraient de nouvelles entreprises prometteuses, basées ici mais il n’existe aucune règle de la sorte. Attendez-vous à une utilisation très limitée de ces 3,2 milliards de dollars, au Québec. Espérez un usage important ici, bien entendu mais ne rêvez pas trop en couleurs.

Dommages collatéraux à prévoir

La perte du bureau-chef de RONA, à Boucherville à la faveur de celui de Lowe’s, à Mooresville, en Caroline du Nord, juste au nord de Charlotte, va se faire sentir graduellement.

Tout d’abord, Lowe’s imposera des mesures d’optimisation, en matière de ressources humaines. En clair, pour éviter tout dédoublement avec Mooresville, Boucherville devra se départir des employés devenus redondants. Ces emplois bien payés ne seront pas faciles à trouver, ailleurs.

Ensuite, l’approvisionnement aussi sera optimisé pour augmenter les bénéfices de Lowe’s. Les fournisseurs québécois seront confrontés à deux choix, soit d’offrir une profitabilité accrue à Lowe’s (supérieure à celle offerte par leurs fournisseurs actuels, souvent américains) ou cesser de vendre à RONA-Lowe’s parce que ceux-ci voient un “meilleur achat” ailleurs.

Sans dire que tous nos fournisseurs québécois seront évacués, ils devront fort probablement payer cher pour ajuster leur offre aux demandes “optimisées” de Lowe’s. N’oubliez pas que Lowe’s vient de payer 3,2 milliards de dollars pour leur acquisition alors ils voudront rapidement se recapitaliser, en partie sur le dos des fournisseurs.

Il existe cependant une belle opportunité pour des fournisseurs québécois d’utiliser la faiblesse de notre dollar pour prendre des parts de marché, dans le réseau des magasins Lowe’s, aux États-Unis. Nos fournisseurs québécois pourraient alors connaître une importante croissance. C’est là que l’État québécois pourrait intervenir et conseiller les fournisseurs actuels de RONA. Sans tomber dans le “B.S. Corporatif”, il y aurait des opportunités à considérer qui pourraient mener à un enrichissement de ces fournisseurs et par extension, du Québec.

Ainsi, tout n’est pas complètement noir. 

Au contraire, il va y avoir des “optimisations” qui vont se faire sentir mais il y a aussi des fenêtres d’opportunités qui vont s’ouvrir. Aussi petites soient-elles, ces opportunités doivent être considérées, sérieusement et rapidement.

L’état d’esprit

Maintenant que la transaction est avalisée, aussi bien chez RONA que chez Lowe’s, il faut ajuster notre état d’esprit.

Éviter de tomber dans le fatalisme de la perte d’un important siège social québécois parce que même si on pleurerait toutes les larmes de notre corps, ça n’y changera rien.

Il faut plutôt s’imaginer comment on peut tirer notre épingle du jeu avec la présence de Lowe’s dans notre marché. Idéalement, il faut voir la venue de ce géant américain de la quincaillerie comme un pont pour nos entrepreneurs d’ici vers ses marchés.

Ça prend de la vision pour voir au-delà de l’acquisition. Ceci dit, les Québécois ont maintes fois prouvés qu’ils sont non-seulement capables de rêver mais de réaliser ces rêves, surtout lorsqu’ils travaillent ensemble.

Les élus péquistes et caquistes ont dénoncé le laisser-faire libéral devant l’acquisition de RONA par Lowe’s mais maintenant que c’est chose-faite, il faut mettre ces énergies à trouver le moyen pour réussir, dans ce nouveau contexte.

Alors voilà donc un survol rapide concernant l’achat de RONA par Lowe’s et surtout, n’oubliez pas que le génie québécois, lui, n’a pas été vendu et a toujours autant de potentiel en vue de la réalisation de beaux succès commerciaux “Fabriqués au Québec”.

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