La plupart des gens qui suivent la Commission Charbonneau s’attendaient à un interrogatoire musclé contre Bernard “Rambo” Gauthier, le controversé représentant syndical du local 1791 des Teamsters Québec mais au contraire, il s’en est tiré sans même une égratignure.
Il faut donner à Rambo ses talents de conteur d’histoires. Celles-ci semblaient authentiques, tout comme son langage non-verbal avec son chandail à manches courtes, ses cheveux taillés en mohawk, ses yeux centrés sur son interlocuteur et son dos bien droit. Il avait l’air tellement authentique que ça ajoutait à sa crédibilité en tant que témoin.
Ce n’est pas tout, il avait l’air du “vrai monde” avec ses vêtements sans prétention et son langage pour le moins familier. Imaginez le téléspectateur québécois qui voit de riches avocats habillés aux quatres épingles, dans la salle d’audience. La juge Charbonneau et son équipe, tous très riches et quelque peu déconnectés de “la base” qui font pression sur un homme avec qui le téléspectateur peut facilement s’associer. La table était mise pour que Rambo ait soudainement l’air de l’homme du peuple.
En fait, je me rappelle pas avoir entendu une aussi belle défense de la Côte-Nord et à son droit à la prospérité. On s’entend, les syndicats corporatistes d’aujourd’hui —qui ont l’affairisme dans le sang— viennent avec leur lot de problèmes pour cette belle région (et toutes les autres où les syndicats opèrent) mais Bernard “Rambo” Gauthier avait l’air d’aimer sa région et juste pour ça, il a su attirer la sympathie de nombreuses personnes qui avaient des hauts-le-cœur face à ses méthodes douteuses pour assurer que SES MEMBRES aient toujours le plus gros morceau de tarte sur les chantiers nord-côtiers… quand ce n’est pas la tarte, au complet! Le placement syndical à son meilleur, quoi.
Ainsi, en parlant comme un homme simple, un homme du peuple, Rambo a endormi l’avocat Tremblay qui a été tellement doux dans ses questions qu’il est légitime de penser qu’il pouvait se sentir intimidé devant ce témoin-vedette, reconnu pour ses méthodes musclées et peu subtiles.
Rambo a donc réussi son passage à la commission Charbonneau avec une note parfaite.
Le fond du problème demeure, cependant.
De très nombreuses irrégularités ont été constatées sur les chantiers où il a joué au fier-à-bras pour forcer la partie patronale à accepter de coûteuses conditions de travail (mais payantes pour ses membres, d’où la fidélité de ceux-ci envers leur “Rambo”) et où les travailleurs qui n’avaient pas leur carte de membre de son local des Teamsters n’ont pas pu trouver de travail parce qu’ils n’étaient pas dans la bonne “équipe” syndicale (ou qu’ils n’étaient dans aucun syndicat, tout simplement).
Ce genre de comportement sur nos chantiers de construction est inacceptable et pourtant, Rambo a survécu à la commission Charbonneau sans que ses méthodes ne soient réellement remises en question. De quoi donner l’impression aux autres qui voudraient imiter Rambo qu’il ne risquent pas grand chose à installer un climat de terreur sur un chantier pour obtenir tout ce qu’ils veulent.
Pour certains, Rambo s’est comporté de manière criminelle sur les chantiers de construction. Ceux qui entretenaient cette vision des choses sont restés sur leur faim après le passage du personnage, à la commission. Pas de questions difficiles, pas de tentative de le coincer. Rien. Juste du placotage pro-syndical destiné à justifier les actions de Rambo. Il agissait pour le petit-peuple de la Côte-Nord… pour qu’ils puissent travailler!
C’est clair que Rambo n’allait pas mentionner toute la terreur qu’il a institué et entretenu sur “ses” chantiers ni les vies de ceux qu’il a brisées en les empêchant de travailler. Et c’est clair qu’il n’allait pas expliquer aux Québécois que ses manigances syndicales ont coûté des FORTUNES aux contribuables qui entretiennent des privilégiés à des salaires commençant à 75,000$ par année (avec de nombreux avantages) sur le dos des autres contribuables qui travaillent tout autant mais son coincés à 35,000$ par année, tout simplement parce qu’ils jouent selon les règles (particulièrement perverses mais répandues) du jeu, dans les grands-centres où se trouvent ces emplois (administratifs, dans les ventes ou les services).
Rambo est donc un héros pour une partie des travailleurs de la Côte-Nord mais il est loin de faire l’unanimité parce que pour chaque travailleur qu’il “protégeait”, il y en avait au moins un autre qui était éloigné de l’assiette-au-beurre. Et cette assiette ne pas pas si souvent que ça, sur la Côte-Nord.
Ce serait donc naïf d’oublier tout ce que Rambo a fait juste parce que la commission Charbonneau n’a pas été au fond des choses, à son sujet.
Les Québécois peuvent être fiers de l’action syndicale lorsqu’elle empêche un employeur d’agir de manière cavalière contre ses employés mais la stratégie misant sur la peur, propre aux actions dénoncées de Bernard “Rambo” Gauthier, ne peut pas être minimisée, non-plus.
On aimerait mieux le célébrer en tant que héros des travailleurs de la Côte-Nord mais le personnage dépasse cette vision simpliste. Rambo a eu un comportement répréhensible et pourtant, il n’a jamais été puni et à ce jour, il n’a jamais été aussi fort, dans sa position. Auprès de ses membres et auprès du syndicat des Teamsters, il en mène tellement large qu’on sent qu’il contrôle tout ce qui se construit, sur la Côte-Nord.
Les jeux de pouvoirs se jouent à tous les niveaux et force est d’admettre que Rambo a gagné le niveau des bottes, sur les chantiers. Il s’y trouve et il y fait sa loi. Étant chef des opérateurs de machinerie lourde affiliés à la FTQ-Construction (FTQ-C) sur la Côte-Nord, sa position n’a encore été remise en question par personne.
Il faudra cependant demeurer prudent du côté syndical qui veut se donner une belle image, surtout en cette saison des REÉRs où les gouvernements continuent de subventionner, à hauteur de 70% le Fonds de solidarité FTQ. Il se pourrait que des épargnants choisissent de placer leurs fonds de retraite ailleurs vu l’impunité de Rambo, en regard des gestes qu’il a commis par le passé et qui se produisent peut-être encore (et qui seront dénoncés plus tard).
Aucun politicien ne s’est d’ailleurs rangé derrière Rambo pour cautionner ses agissements.
Il faudra voir si ce passage à la commission Charbonneau aura changé ce chef syndical ou au contraire, si ça l’a convaincu que tous les moyens sont bons (et justifiables) pour arriver à ses fins et à celles de son syndicat.