Shell veut filer à l’anglaise

Vous connaissez l’expression “filer à l’anglaise” où la personne cherche à quitter, au plus vite, sans se faire remarquer?

Et bien, cette expression s’applique très bien à Shell qui veut laisser son gigantesque terrain contaminé, situé sous sa raffinerie de Montréal-Est, aux contribuables québécois, d’une façon ou d’une autre.

Voici les deux scénarios les plus plausibles:

  1. Shell vend sa raffinerie actuel à un nouvel acheteur qui fera faillite, peu de temps après; ou
  2. Shell ferme sa raffinerie et éternise son chantage politique sur plusieurs décennies afin d’éviter d’avoir à nettoyer son site.

On peut comprendre Shell de ne pas vouloir payer les quelques 100M$ nécessaires (selon les experts du domaine) pour remettre son site toxique en état mais le problème, dans les deux cas, c’est que le gouvernement du Québec devra mettre la main à la poche pour payer la note de ce coûteux nettoyage.

Ouch!

Pour Shell, une compagnie sans morale et sans honneur, quitter le Québec en douce sans éveiller les consciences des gens aux dommages environnementaux qu’ils ont causé tombe sous le sens. Si vous étiez le diable, vous n’hésiteriez pas, vous non-plus, à multiplier les secrets tout en sollicitant de généreux subsides gouvernementaux pour faire saigner “les locaux” encore un peu plus.

Avec le ministre Raymond Bachand qui lance quelques phrases floues en marge du Grand Prix du Canada, on voit bien que le dossier de “la reprise” ne mène nulle part. Selon M. Bachand, le fait que Shell n’avait pas démontré clairement qu’elle n’avait pas devant elle des repreneurs “solides aux poches profondes” forcera Shell et le gouvernement à discuter à nouveau pour comprendre pourquoi les acheteurs n’arrivent pas à s’approprier cette raffinerie qui, dans les faits, génère d’énormes profits (des centaines de millions de dollars, par année).

Dans l’éventualité où la famille Desmarais et sa puissante compagnie Power Corporation (actionnaire de Total, en France) devaient se montrer intéressés, on devra s’attendre à voir Jean Charest sortir —avec enthousiasme et empressement— le chéquier public pour endetter notre province de quelques autres milliards, question de “venir en aide” à ses vrais patrons, soit les membres du Clan Desmarais (le pouvoir de l’ombre, au Québec).

Personne ne comprend trop pourquoi Shell veut absolument quitter Montréal maintenant mais des personnes bien informées au dossier indiquent que c’est le niveau inédit de toxicité des sols qui pourrait motiver la transnationale étrangère à vouloir se laver les mains du dégât qu’elle a causé. On se doute que BP, dans le Golfe du Mexique, aimerait bien pouvoir se défiler, elle aussi, de ses responsabilités.

Mais justement, si Shell réussit à vendre sa raffinerie —grâce aux nouvelles dispositions de la loi, votées par la gang à Jean Charest— les nouveaux propriétaires ne pourront PAS poursuivre l’ancien propriétaire pour l’épouvantable gâchis environnemental qu’il aura causé.

Vous avez bien lu: les Libéraux ont fait en sorte qu’un ancien propriétaire de lieu toxique qui réussit à refiler son terrain empoisonné à un nouveau propriétaire ne pourra plus jamais être poursuivi!

Elle est pas belle, la loi?

Alors, vous comprenez mieux pourquoi Shell fait durer son mélodrame en vue d’identifier l’acheteur potentiel le plus naïf (afin de le laisser avec sa raffinerie empoisonnée et les responsabilités qui viennent avec.

Cette grosse mise-en-scène peut se jouer sur quelques mois ou quelques années mais au final, il faut s’attendre à ce que les contribuables québécois aient à payer, en tout ou en partie, pour le nettoyage de cet immense site hautement toxique.

Saviez-vous, par exemple, qu’il faut brûler les vêtements (ainsi que les bottes de travail) à la fin de la journée, tellement ils sont toxiques? C’est ça, le merveilleux monde de Shell, dans Montréal-Est.

Les emplois.

Ah! Les fameux emplois à 80k$ / année…

Qu’est-ce qu’on va faire avec les centaines d’employés forcés d’aller se réaliser ailleurs, au plan professionnel? Et bien, on pourrait les embaucher en tant qu’inspecteurs, au gouvernement, pour surveiller le grand chantier de nettoyage qu’on pourrait FORCER Shell à faire s’ils décident de fermer la raffinerie.

Ce serait génial pour les ex-employés et pour les Québécois. Les seuls perdants seraient des étrangers, anonymes et sans scrupules, qui nous prouvent actuellement qu’ils ne lèveraient pas le petit doigt pour nettoyer leur bouette toxique, préférant nous la refiler, en douce.

Shell est un bel exemple de transnationale étrangère qui appauvrit le Québec.

Elle a beau avoir payé de gros salaires à des centaines d’employés pendant des décennies, elle nous laissera vraisemblablement avec une facture si énorme pour le nettoyage de son site toxique que tout gain obtenu pour la société québécois, au fil du temps, sera annulé.

Un pas en avant, deux pas en arrière.

Voilà le crédo des transnationales étrangères qui viennent voler les Québécois de leur souveraineté industrielle et de l’opportunité qu’ils auraient pu avoir de faire les choses autrement, de manière plus durable et respectueuse de l’environnement… et les citoyens.

Évidemment, nous avons tous des véhicules et nous avons presque tous, à un moment ou à un autre, encouragé Shell.

Dans un contexte oligopolistique (on peut aussi parler de cartel), c’est inévitable.

Si le lobby pétro-chimique étranger n’était pas si étouffant, nous aurions assurément des véhicules électriques ou propulsés par autre chose, sans devoir brûler des combustibles fossiles.

Pour Shell, le Québec n’est rien mais il faut saisir cette occasion pour leur faire comprendre que le “party” est fini, au Québec: qu’ils vont devoir payer, rubis sur l’ongle, les dizaines ou centaines de millions de dollars rendu nécessaires pour décontaminer LEUR site.

Si nous laissons Shell filer à l’anglaise, le monde entier saura que le Québec a fermé les yeux sur un épouvantable viol environnemental de son territoire.

En laissant Shell faire tout ce qu’elle veut, en expédiant ses profits à l’étranger et en refusant de prendre ses “responsabilités locales”, nous n’agissons pas en propriétaires souverains du Québec, nous agissons en esclaves soumis.

Les cinq plus importantes pétrolières intégrées au monde se valent en ce qui a trait à la médiocrité relative de leur fibre morale, inexistante dans certains cas. Exxon Mobil, Royal Dutch Shell, BP Amoco, Chevron Texaco et Conoco Phillips se classent toutes parmi les dix plus grandes entreprises au monde, tous secteurs d’activités confondus.

Pourtant, Shell et les autres n’hésitent pas un instant à rivaliser d’ingéniosité pour entuber le plus efficacement possible les populations habitant aux endroits qu’elle détruit, partout sur Terre.

Au Québec comme en Afrique, tant que les citoyens ne se tiennent pas debout devant des transnationales étrangères, elles font la pluie et le beau temps et font autant de mal que possible aux “populations locales” lorsque ça signifie qu’ils pourront extorquer encore quelques dollars.

Non, les syndicats comme la FTQ ne sont pas des enfants de chœur et ils font leur propre “spin” avec le potentiel malheur qui attend “leurs” membres mais en comparaison, Shell respire le vice, la malveillance et la mauvaise-foi.

Comme des rats, les “responsables” de Shell vont faire l’impossible pour se faire oublier des Québécois.

Reste à savoir si les Québécois, eux, vont laisser les rats s’en retourner à l’étranger, sans contrainte, avec des sacs remplis de centaines de millions de dollars (à raison de 240M$ de PROFIT NET, par année) alors qu’ils laissent un proverbial apocalypse environnemental et social, derrière eux.

C’est triste mais c’est ça, une fuite à l’anglaise, en 2010…

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Une réponse

  1. Le 14 février 2012, l’article suivant a été publié dans le site web de Radio-Canada

    Les travaux de démolition de la raffinerie Shell de Montréal-Est ont commencé à la mi-janvier. Une entreprise d’Asbestos, Anpro Démolition, a le mandat de démolir un centre de production d’asphalte situé à l’intérieur de la raffinerie. Le contrat consiste à démolir une trentaine de réservoirs, soit environ 10 % de la superficie totale. Cette première phase du démantèlement devrait être terminée d’ici mai.

    Shell a mis un terme aux activités de sa raffinerie de Montréal-Est en octobre 2010. L’entreprise a décidé de convertir sa raffinerie en terminal pétrolier. Quelque 800 travailleurs ont perdu leur emploi. Selon le syndicat, cette transformation fait perdre au Québec plus de 25 % de sa capacité de raffinage.

    La raffinerie couvre une superficie d’un peu plus de 1 kilomètre carré. Shell compte conserver 30 % de cette surface pour y construire son terminal pétrolier. Les unités de production les plus récentes seront démantelées, puis vendues. Le reste sera démoli.

    Shell doit décontaminer les terrains qui ne seront plus utilisés. Le président du syndicat des employés, Jean-Claude Rocheleau, souligne que l’entreprise doit décontaminer le sol de façon à rendre le terrain apte à des activités industrielles lourdes. Ce qui limite, selon lui, les possibilités de relance économique.

    Par ailleurs, Shell a prévenu le maire de Montréal-Est, Robert Coutu, que la décontamination du site devrait prendre entre cinq et huit ans. C’est trop lent, selon lui. Tant que Shell procède à des travaux de décontamination, l’entreprise n’a pas à payer d’impôts fonciers à la Ville. Pour Montréal-Est, c’est une perte annuelle de plus de 3 millions de dollars.

    La raffinerie Shell de Montréal-Est était exploitée depuis 1933. L’installation avait une capacité de 130 000 barils de pétrole brut par jour. Shell y produisait entre autres du gaz de pétrole liquéfié, du mazout lourd, des huiles lubrifiantes et du bitume.

    Un texte de Vincent Maisonneuve

    Pour mieux comprendre ce qui arrive, cependant, je vous invite à lire cet article d’Anabelle Nicoud, publié le 14 mai 2011, dans CyberPresse.

    Selon l’article, Shell n’a pas encore obtenu le permis de démanteler les installations de la raffinerie. C’est donc une affaire à suivre.

    Côté prix à la pompe, ce sont les consommateurs qui écopent parce que la capacité de raffinage d’essence, au Québec, a baissé d’environ 25%.

    Cet article de Jean-Claude Rocheleau, dans CyberPresse nous offre un regard lucide sur la diminution de la capacité de raffinage après la fermeture de la raffinerie Shell de l’Est de Montréal.

    Les “grands médias” ne parlent presque plus de la raffinerie mais ce serait important de garder un œil sur ce qui s’y passe.

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