Vous croyez que les paradis fiscaux ont été stoppés et que tout le monde paie sa juste part d’impôt, localement?
Détrompez-vous, les paradis fiscaux ont bel et bien subit quelques remontrances mais ce n’étaient que des mots, pour l’essentiel. En fait, les paradis fiscaux se portent bien et font des affaires d’or.
Et les clients des paradis fiscaux, eux, ont bien compris comment déclarer les profits dans leurs compagnies-coquilles dans un paradis fiscal pour ne déclarer que des pertes (et donc, des économies fiscales) dans le pays où elles perçoivent des revenus.
Pour ces utilisateurs des paradis fiscaux, c’est… le paradis!
Une fois l’argent gagné localement parti engraisser un compte stratégiquement constitué dans un paradis fiscal, c’est facile de devenir riche car il n’y a alors pas (ou très, très peu) d’impôt à payer. Imaginez, un seul instant, si vous obteniez LA TOTALITÉ DE VOTRE CHÈQUE DE PAIE aux 2 semaines, au lieu du montant tronqué avec lequel vous devez composer, ça vous enrichirait sur un moyen temps… et bien, c’est ce genre d’accommodement que permet l’usage d’un compte bancaire opéré depuis un paradis fiscal.
Et comme les paradis fiscaux sont souvent des endroits paradisiaques, aussi bien pour la température que la qualité de vie, quiconque a de l’argent se laisse facilement convaincre.
L’Agence du revenu du Canada ou Revenu Québec ont beau prétendre s’attaquer avec énergie à l’usage de paradis fiscaux, ça n’y change à peu près rien car les riches clients de ces véhicules bancaires offshore ont les moyens de se payer les services des meilleurs fiscalistes et rapidement, les fonctionnaires qui essaient de retracer les flux d’argent en perdent leur latin (lorsque ça ressemble à des flux illégaux) et n’ont aucun recours lorsque les flux sont déclarés puisque ces aménagements fiscaux existent dans nos lois d’impôt!
Autrement dit, pour les riches, c’est un monde de possibilités.
Pour la classe moyenne aussi et pour les petites entreprises en croissance, c’est également à considérer parce que le compétiteur, lui, risque de s’enrichir via ces mouvements d’argent très peu (ou pas du tout) imposés.
Ainsi, les paradis fiscaux faussent le jeu et contaminent d’énormes pans de nos économies locales, via l’enrichissement accéléré des utilisateurs des paradis fiscaux qui continuent de profiter de nos services et infrastructures sans contribuer leur juste part.
Nos politiciens entretiennent le flou entourant le recours aux paradis fiscaux. On se demande pourquoi.
Ont-ils des amis qui se servent de ces paradis fiscaux pour ensuite les récompenser, de manière indirecte? Nos politiciens utilisent-ils, eux-mêmes, des paradis fiscaux? Dans le cas de Philippe Couillard, on sait qu’il a utilisé le paradis fiscal de l’Île de Jersey du temps où il travaillait en Arabie Saoudite (et c’était légal, justement à cause de la fiscalité permissive de l’ARC et de RQ) mais on ne sait pas s’il en utilise, présentement. On croit que non mais c’est impossible de le savoir, à moins qu’il ne divulgue publiquement la totalité de sa comptabilité et encore là, la mécanique des mouvements d’argent peut rapidement perdre un expert tellement la ramifications internationales peuvent être compliquées à cartographier, pour ainsi dire.
Enfin bref, les failles fiscales (ou permissions dont on ne comprend pas vraiment l’intérêt du bien commun) font le bonheur des riches qui peuvent profiter de la totalité de leur capital plutôt que d’une fraction (comme pour la majorité des gens qui se font “percevoir” leur dû, directement sur leur chèque de paie).
Les paradis fiscaux créent un système économique à vitesse variable.
Une vitesse pour les riches où l’argent reste entièrement (ou presqu’entièrement) dans leurs poches et une vitesse, bien plus lente, pour tous les autres qui n’ont pas les moyens de retenir les services d’un fiscaliste qui prendrait le temps d’ajuster leur vie financière pour les enrichir… comme de “vrais” riches!
Aux États-Unis, le fléau des paradis fiscaux fait autant de ravages qu’ici. Souvent dans l’indifférence parce que tous ces mouvements d’argent ont cours derrière des portes closes et dans la plus grande discrétion.
Après tout, un riche ou une grande entreprise ne gagnerait pas de points dans l’opinion publique en avouant se servir d’un ou plusieurs comptes dans les paradis fiscaux alors le jeu se poursuit mais dans l’ombre.
Pour bien comprendre l’ampleur de la saignée économique via les paradis fiscaux, vous pouvez lire “Tax Havens: International Tax Avoidance and Evasion” de Jane G. Gravelle, publié en janvier 2015 (en anglais) qui explique en détails où l’argent va, comment et à quel rythme.
Vous allez voir, c’est un problème majeur.
Pendant que les riches s’enrichissent sans s’encombrer de l’impôt, ils continuent à profiter de TOUS les service à la collectivité. Et ces services sont payés, de manière complètement abusive par les classes de gens qui demeurent pris dans le piège des perceptions locales d’impôts.
Comme les lecteurs de ce billet n’ont habituellement pas les moyens d’avoir un compte dans un paradis fiscal, c’est insultant d’apprendre (et de comprendre) que des individus et des compagnies déjà riches déjouent une large part de l’impôt pour s’enrichir encore plus, sans aucune conséquence.
Il va falloir se demander, un jour, si notre laxisme par rapport aux paradis fiscaux n’est pas en train de nous mener à notre perte, en tant que puissance économique, continuellement minée par ce jeu économique opaque qui exacerbe les inégalités.
Ensemble, nous devons revoir la pertinence d’entretenir des liens avec les paradis fiscaux mais c’est certain que si vous faites partie de ceux qui en profitent, vous ne voudrez pas modifier l’actuelle permissivité “pro-paradis fiscaux” qu’on retrouve aussi bien à Ottawa qu’à Québec.
S’il n’y a plus personne personne d’assez riche pour payer nos services et infrastructures locales et que les riches ont trouvé le moyen de fair fuir leur richesse économique ailleurs, il va falloir s’interroger sur notre relation avec les paradis fiscaux.