Selon Statistiques Canada, pour chaque dollar gagné, les Canadiens contracteraient 1,60$ de dettes.
Pas surprenant qu’autant de travailleurs se sentent pris à la gorge, financièrement et ce, même s’ils ont un ou deux emplois pour gagner leur vie.
Dans un tel contexte, pas surprenant de voir que les vacances, ces fameuses 4 semaines pour se ressourcer, en théorie, soient devenues un luxe difficile à atteindre pour une majorité de travailleurs, surtout au Québec où les salaires sont plus bas que dans le reste du pays, surtout l’Ouest canadien.
Cruel
Imaginez ces centaines de milliers de travailleurs qui viennent de commencer un nouvel emploi et qui n’auront pas droit à des vacances pour la première année ou alors, très peu ou encore, selon une lente adéquation avec le nombre de jours travaillés ce qui limite sévèrement la possibilité de réelles vacances comprenant des séquences de plusieurs jours.
Il y a aussi ces millions de travailleurs compris dans la classe moyenne —un regroupement des travailleurs gagnant entre 75% et 150% du salaire médian— où le revenu est à peine suffisant pour survivre et où chaque dépense doit être soigneusement planifiée. Peuvent-ils se permettre des vacances? Parfois mais c’est presque toujours des vacances locales ou économiques, ou les deux.
Pour ces millions de Québécois qui sont coincés financièrement, de chèque de paie en chèque de paie, la perspective de “prendre des vacances” leur apparaît comme une espèce de blague cruelle que l’élite économique utilise pour les motiver à occuper leur emploi, avec la promesse de pouvoir se reposer, de manière ponctuelle.
Influence sur tous les autres aspects de la vie
Clairement, les vacances sont une désignation à vitesse variable, selon le niveau économique de la personne à qui l’on parle.
On a beau ajouter toutes les sources de revenu, y compris…
- le salaire
- les petits à côtés
- les transferts gouvernementaux
- les prestations en vertu du Régime des rentes du Québec
- les crédits d’impôt pour la solidarité
- les crédits d’impôt pour le soutien aux enfants
- les crédits d’impôt pour les frais de garde (ou les frais de garde subventionnés)
…malgré tous ces “efforts” financiers pour soutenir la classe moyenne, on constate que l’endettement demeure endémique et que les vacances demeurent très différentes, selon que la personne se situe parmi les millions qui constituent les classes pauvres ou moyennes ou encore, parmi les centaines de milliers qui peuvent véritablement être considérés riches.
Quiconque a déjà eu la chance de prendre des vacances, pour vrai, sait qu’elles ont un effet bénéfique sur le corps, l’esprit et même, sur le bonheur individuel et collectif.
En fait, les vacances ont beau priver un employeur de son “rouage d’enrichissement” pendant 2, 4 ou 6 semaines par année mais sans ce minuscule répit, le travailleur n’a pas de moment pour se changer les idées, rééquilibrer son état de santé ou juste reprendre son souffle.
Aussi bien au plan individuel que collectif, le fait de ne pas prendre de vacances nous coûte cher, très cher. En santé, en niveau de bonheur et en cohésion sociale. Tellement que ce serait grand temps qu’on revisite les limitations qui ont graduellement été placées sur la durée et les “droits d’accès” aux vacances.
Les uns et les autres
Il y a toujours eu de profondes inégalités entre les classes sociales et aujourd’hui encore, elles sont évidentes.
La qualité des vacances qui peuvent être prises par les uns qui sont plus pauvres et les autres qui sont plus riches témoigne d’ailleurs de cette inconfortable et inconvenante réalité.
Même si on parle de 4 semaines de vacances par année, il faut considérer la qualité de celles-ci.
4 semaines passées à la maison à faire des rénovations, du ménage et un 2e emploi pour tenter de venir à bout d’une rivière de dettes, ce n’est pas vraiment ce qu’on peut appeler des “vacances”. C’est un répit, d’une certaine façon mais assurément pas des vacances au sens où la personne s’évade vraiment de son quotidien. Au final, le repos procuré par ce genre de vacances n’est pas vraiment bénéfique. À la limite, il augmente le cynisme de la victime de ce genre de vacances et nuit à sa santé, aussi bien physique que psychologique car en fin de compte, il ne se “repose” jamais.
Certains s’en tirent un peu mieux avec des escapades dans un hotel local ou régional pour un week-end mais trop souvent, chaque dollar est compté et c’est dans le stress financier constant que la personne se retrouve, malgré le fait qu’elle soit supposée être en vacances.
Les autres, les plus riches, eux, ne liront JAMAIS ce billet parce qu’ils ont les moyens de vraiment “décoller”, loin, pour profiter pleinement de leurs vacances.
Ce sont d’ailleurs eux qui définissent, socialement, ce que sont de “vraies vacances”, avec des valises trimbalées dans les aéroports pour se rendre vers des destinations exotiques et enviables pour décrocher totalement de leur quotidien et revenir avec des clichés-photos que tout le monde va envier.
Ces travailleurs plus riches sont généralement des professionnels de la santé (médecins, pharmaciens, dentistes, optométristes, infirmières), des administrateurs (la “classe dirigeante”) ou des entrepreneurs qui, eux, ont tendance à prendre encore plus de vacances déguisées en “voyages d’affaires” remboursés en bonne partie, via des crédits d’impôt conçus spécialement pour eux.
Et qui se trouve à livrer une performance jugée supérieure, au travail? Plus souvent qu’autrement, ce sont les plus riches (même si ça ne demeure parfois qu’une perception, les plus pauvres travaillant trop souvent d’arrache-pied pour finalement, ne jamais être reconnus à leur juste valeur).
On constate donc ce qu’on savait, d’instinct, à savoir que la durée et la qualité des vacances a une ÉNORME influence sur la santé des travailleurs, sur leur bonheur et donc, sur leur performance, au plan professionnel… et personnel, aussi. Rien comme des vacances régulières pour souder un couple ou une famille. Avec les SPECTACULAIRES bénéfices que ça amène, dans tous les aspects de la vie.
Pas juste une question d’argent
On parle d’argent depuis le début du billet mais le problème est plus profond que ça. L’humain moderne se fait continuellement comparer aux machines et doit conséquemment travailler plus longtemps et plus intensément pour justifier sans cesse sa présence, dans son “poste”.
Pensez aux caissiers du McDo qui se font graduellement remplacer par des écrans tactiles pour prendre les commandes, ou les caissières des WalMart qui sont de moins en moins nombreuses pour laisser la place aux “caisses automatisées”. Les exemples de ce genre ou l’humain concurrence avec les machines pour avoir “le privilège” d’occuper un emploi ne sont pas qu’en bas de l’échelle, ils sont aussi au niveau des vendeurs de toutes sortes qui doivent rivaliser (souvent sans succès) contre les géants du commerce en ligne ou encore, les travailleurs d’usine qui se perdent leur emploi au profit d’une machine-outil accompagné de robots-automates qui contribuent à automatiser des productions entières, en usine.
Enfin bref, vous pouvez facilement imaginer combien les vacances deviennent triviales, au plan idéologique, quand le travail “humain” lui-même est si directement menacé par le travail réalisé par des machines qui, elles, ne prennent ni vacances, ni pauses, ni temps pour se reposer, sauf peut-être un entretien annuel.
Les patrons sont en amour avec la mécanisation, l’automatisation, la robotisation et le remplacement de l’humain par des machines. Zéro vacances à payer et zéro productivité perdue pour l’entreprise. On voit facilement le bénéfice pour l’employeur mais l’humain, dans tout ça, se retrouve dans une inconfortable position où les vacances ne sont plus qu’une simple épreuve financière mais ça devient un symbole de “faiblesse” comparé aux machines qui, elles, n’ont pas ce besoin et ne l’auront jamais.
Décider de la place de l’humain, en société
Notre modernité doit viser vers le haut pour le plus grand nombre, en tout. Pas question de se contenter de faire ronronner une élite pendant la masse des travailleurs en arrache. La situation actuelle étant loin d’être enviable ou idéale, on y trouve quand même des éléments qui pourraient nous inspirer afin d’établir des normes bien plus intéressantes, pour la durée et l’accès à des vacances de qualité.
En statuant sur des stratégies-vacances mieux ficelées, on pourra en profiter pour réaffirmer la place de l’humain en société, incluant dans l”écosystème du travail. Gros chantier social mais on en est là.
Ainsi, nous pourrons influer positivement sur le facteur-vacances au lieu de tolérer bêtement l’état actuel des choses qui hurle aux multiples standards qui font ressortir les différences ahurissantes entre les vacances pour les uns et pour les autres.
Nous pouvons faire tellement mieux, en tant que société. Nier des vacances pleines et entières à une majorité de Québécois et de Canadiens n’est tout simplement plus admissible, surtout lorsqu’on sait qu’une élite s’empiffre dans les “privilèges” alors que tous les autres souffrent, affublés de leurs dettes, d’un stress constant, souvent induit par ces dettes et d’une charge de travail exagérée, justement tolérée par le travailleurs pour tenter de “finir” de payer des dettes qui, elles, continuent de croitre, qu’importe les efforts fournis par celui-ci.
Nous avons un outil formidable pour améliorer la vie de tous les travailleurs et cet outil porte un nom: les vacances. Re-paramétrons les vacances pour les rendre plus longues, plus accessibles et plus agréables.
En agissant en pleine cohérence avec le fait humain, nous y gagnerons tous au change car soyons clairs et réaffirmons-le, haut et fort, les humains ne fonctionnent justement pas, comme des machines.