On en est qu’au 3e jour de la campagne électorale provinciale 2014 et déjà, les fonctionnaires provinciaux se sentent un peu trop visés par les objectifs de réduction d’effectif dans la fonction publique qui ont été annoncés par le chef caquiste, François Legault.
Depuis les coupes de 1996 dans la fonction publique québécoise, époque à laquelle il y avait une volonté de réduction des dépenses et des effectifs de l’État, sous le gouvernement péquiste de Lucien Bouchard, les fonctionnaires ont l’épiderme assez mince lorsqu’un parti politique dit vouloir diminuer la taille du monstre bureaucratique et administratif dont ils font partie.
Il y a deux écoles de pensées.
La première est favorable à l’intervention de l’État qui créé des services destinés aux Québécois en embauchant des fonctionnaires bien payés qui, en retour, paient leurs impôts via des retenues sur leur salaire, permettant ainsi de financer l’État.
Il y a une certaine logique à ça mais…
Le problème, c’est que 500,000 fonctionnaires en 2004 ont vu 70,000 fonctionnaires de plus rejoindre leurs rangs pour un total, en 2014, de quelques 570,000 fonctionnaires. Ça fait beaucoup de fonctionnaires au pied carré pour une population, en 2012, de 8,081,000 personnes. En fait, on parle d’environ 7% de la population totale mais si on prend plutôt le nombre de Québécois faisant partie de la “population active” soit celle en âge de travailler, au nombre de 4,375,300, en 2014, selon Statistique Canada, on arrive à environ 13% de fonctionnaires sur le nombre totale de travailleurs “potentiels” classés dans la population dite “active”.
On pourrait pousser le chiffre encore plus loin en enlevant le demi-million de prestataires de l’assurance-emploi (programme plutôt temporaire) ainsi que ceux recevant de l’aide sociale (programme permanent mais avec des conditions à remplir) et ce pourcentage serait encore plus élevé, soit plus proche du 15%.
Alors, on peut s’imaginer que pour faire vivre 15% de travailleurs clairement privilégiés dans la fonction publique, il faut imposer, taxer et tarifer 100% des travailleurs (incluant les fonctionnaires, eux-mêmes, bénéficiaires des largesses de l’État) mais surtout, les 85% de travailleurs œuvrant dans le privé et qui, selon toute vraisemblance, contribuent bien plus à l’enrichissement collectif en vendant des produits et services ici ou mieux, en les exportant, ce qui enrichit directement les principaux intéressés et notre société.
Est-ce que le ratio de 15 fonctionnaires pour 85 travailleurs dans le privé est trop élevé?
À chacun son opinion et franchement, il y a de bons arguments aussi bien pour le maintient de ce ratio (stabilité sociale, palette incomparable de services publiques) que contre (coût trop élevé, disparité gênante entre les conditions au public versus le privé).
Il y en a pour tout le monde mais François Legault de la CAQ voit dans ce ratio une opportunité d’éliminer des fonctionnaires dans la frange administrative qu’il perçoit comme moins utiles à ses concitoyens pour les remplacer par des fonctionnaires de première ligne, ceux qui répondent aux besoins de la population.
Autrement dit, si vous êtes un fonctionnaire et que vous travaillez assis derrière un comptoir, près d’un téléphone ou d’individus requérant vos services, vous n’avez rien à craindre mais si vous poussez un crayon dans un cubicule ou que vous occupez un bureau fermé, vous devriez vous inquiéter.
C’est une manœuvre habile de Legault parce que la population —à tort ou à raison— trouve qu’il y a trop de fonctionnaires et les fonctionnaires, eux-mêmes, ont des hauts-le-cœur quand ils voient les traitements princiers de leurs cadres qui, selon eux, en ont beaucoup trop pour le travail qu’ils accomplissent vraiment. Ces fonctionnaires de plus haut-niveau s’indigneront qu’on s’interroge sur la réelle valeur de leur travail (et dans plusieurs cas, ils sont probablement très utiles) mais en politique, tout est une question de perceptions et là, ils ont l’air largement surpayés pour des résultants souvent jugées comme variables.
Pour ajouter à l’urgence d’agir, François Legault a déclaré que “dans les projections du gouvernement, on prévoit qu’au cours des quatre prochaines années, on va en rajouter 35,000” ce que Nicolas Marceau dément en précisant que “dans le budget 2014-2015 que j’ai déposé, il n’y a aucune embauche de prévue, de budgétée, pour les cinq prochaines années”. Qui croire?
Tout porte à croire que le nombre de fonctionnaires québécois va continuer à augmenter si la tendance des dernières années se poursuit et ce, même si le Conseil du trésor exerce un contrôle serré.
Selon des données qui circulent dans le web, les effectifs du secteur public québécois ont augmenté d’environ 6,000 personnes par année, de 2008 à 2012. En ajoutant les sociétés d’État comme Hydro-Québec, la SAQ et Loto-Québec, ça pourrait même être plus mais les statistiques s’avèrent plus difficiles à obtenir, de leur côté. Ce serait d’ailleurs bien que le gouvernement offre un décompte précis et à jour du nombre RÉEL de fonctionnaires qui travaillent pour l’État, tous services confondus et aussi, de manière détaillée afin qu’on puisse y voir plus clair.
Donc, il y a tellement de fonctionnaires provinciaux au Québec qu’on a du mal à tenir le compte exact alors ça donne de la crédibilité à l’exercice d’amaigrissement de l’État que François Legault, chef de la CAQ, veut entreprendre, s’il est élu, le 7 avril 2014.
Il y a aussi cette rancœur d’avoir vu le régime libéral de Jean Charest placer des milliers de sympathisants libéraux dans de beaux postes simplement pour l’avoir aidé en campagne électorale. Des retours d’ascenceurs qui se font sur le dos des contribuables québécois qui n’en ont pas toujours pour leur compte au plan du talent et de la compétence associés à ces “nouvelles recrues” — il faut dire que la pratique continue d’avoir cours sous le régime péquiste minoritaire de Pauline Marois, à commencer par André Boisclair qui s’intéresse désormais à la Baie-James même si on sait tous qu’il n’y connait à peu près rien de plus que la moyenne des ours! Il est réputé être brilliant mais selon toute vraisemblance, le Québec ne se serait pas effondré si quelqu’un d’autre avait pris les rennes de ce comité (le COMEX). D’où l’évidence d’une nomination partisane ou à tout le monde, une nomination “particulière”. Au fond, tant mieux pour lui si c’est là qu’il veut aller mais pour plusieurs contribuables, il y a des sourcils qui s’élèvent!
Autrement dit, la fonction publique en tant que nananne politique pour les “bénévoles” pendant les campagnes électorales ou lors d’épisode plus ou moins longs, pour le compte des partis, c’est encore “la norme” qui fait le bonheur d’une petite minorité de privilégiés (qui n’auraient souvent pas accès à ces postes, en temps normal si l’on se fiait uniquement à leur réelle qualification pour ceux-ci) aux frais de la majorité qui, on le constate trop souvent n’en a simplement pas pour son argent.
Ça aussi, ça donne des munitions aux Caquistes qui veulent éliminer des emplois dans la fonction publique.
De nombreux contribuables n’en peuvent plus, financièrement. Une large part de la classe moyenne (de 40k à 85k$ par ménage, annuellement) inférieure (plus près du 40k$ par année) n’en peut plus de se faire vider les poches par les différents niveaux de gouvernements, notamment le provincial qui n’a pas encore prouvé qu’il utilisait l’argent des autres si judicieusement que ça. On a qu’à suivre la commission Charbonneau pour voir à quel point la mafia s’est goinfré dans l’assiette au beurre pendant que les fonctionnaires du ministère des Transports dormaient sur la touche… en toute impunité et sans aucun compte à rendre!
Ce genre de constat n’aide pas l’image de la fonction publique et nourrit beaucoup de ressentiment à leur égard, dans la population. C’est triste pour ces milliers de fonctionnaires qui se défoncent au travail et qui donnent le meilleur d’eux-mêmes pour voir, jour après jour, un subalterne, un collègue ou un patron bousiller leur travail pour des raisons non-déclarées ou carrément louches. Il y a de l’hommerie partout et avec autant de fonctionnaires qui œuvrent pour leur bien personnel ou celui du parti politique qui l’y a placé, on finit par payer pour leurs erreurs alors qu’eux, trop souvent, s’en sortent sans même une égratignure et pour ajouter du sel sur la plaie ouverte des contribuables, avec de généreux bonis de départ (parce qu’ils quittent… pour aller travailler ailleurs dans la fonction publique, quelques mois après, question de laisser retomber la poussière et continuer d’avancer des agendas qui n’ont rien à voir avec le “service à l’État”).
Enfin bref, la fonction publique, avec ses règles tatillonnes, son obsession à terroriser les contribuables (surtout à Revenu Québec), sa bureaucratie écrasante et ses dédales administratifs sans fin a de quoi hérisser le poil sur les bras de tout contribuables gérant judicieusement ses avoir financiers (s’il en a encore, une fois l’impôt, les taxes et les tarifs passés). On le répète, certains fonctionnaires font un travail formidable, vraiment incroyable et ils doivent être récompensés pour leur dur labeur. Ceci dit, certains fonctionnaires coûtent cher pour ce qu’ils retournent au public, sous forme de RÉEL travail et ce sont ces fonctionnaires qui doivent être identifiés et retirés de la fonction publique car la population veut des résultats.
François Legault aura l’occasion de préciser sa pensée mais pour l’heure, les fonctionnaires ont parfaitement raison de se sentir visés parce qu’ils sont dans sa mire.