Près de 300k$ pour préserver chaque emploi

En tant que contribuables québécois, seriez-vous prêts à financer une entreprise britanno-colombienne à hauteur de 102,4M$ sur dix (10) ans, pour qu’elle entretienne quelques 350 travailleurs québécois?

Si vous faites le calcul, ça représente une dépense (ou un “investissement”, c’est selon) de 292,571.43$ par employé, sur 10 ans, soit 29,257.14$, par année!

Ça fait beaucoup d’argent, ça.

Et tout cet argent s’en va, dans un premier temps, dans les poches de Fortress Paper, de Vancouver-Nord qui projette d’acheter l’usine de Papiers Fraser, à Thurso (dans le comté de Papineau, au Québec).

Évidemment, l’acheteur potentiel (Fortress) a tout pour plaire avec ses usages spécialisés de la cellulose de bois (rayonne et textiles) en plus d’un projet de bioraffinerie qui plaît beaucoup au ministre fédéral Lawrence Cannon. Ça fait contraste avec le vendeur (Fraser), une entreprise ontarienne qui manquait cruellement d’imagination (et de volonté) pour remettre cette grande usine sur les rails, depuis au moins neuf (9) mois.

Mais même si Fortress promet de relancer une usine qu’elle achète pour la —très modeste— somme de 3M$, est-ce que ça justifie que le peuple québécois tout entier doive accepter de payer 102,4M$ sur dix (10) ans, via Investissement Québec?

Est-ce que c’est la responsabilité des Québécois de financer l’enrichissement d’une entreprise de Vancouver?

Pourquoi ne pas dire aux 350 employés de Thurso qu’on leur donne le 3M$ pour acheter l’usine, dans un premier temps et qu’on leur accorde 102,4M$ sur dix (10) ans pour leur assurer un salaire [de base], le temps qu’ils remettent cette grande usine sur pied avec de nouveaux produits?

Il est possible que cette usine ait besoin de nouveaux équipements mais en finançant les salaires sur dix (10) ans [en assumant que les employés soient intéressés à y travailler, à un salaire plus raisonnable, comme 29k$ par année] on pourrait arriver à concurrencer efficacement d’autres usines à papier — on pourrait même aller jusqu’à transformer l’usine de Thurso en coopérative!

Enfin bref, il existe assurément une autre avenue “créative” pour cette usine québécoise si Investissement Québec a quelques 102,4M$ qui lui brûlent les poches, non?

Est-ce que c’est vraiment “le maximum” que le Québec peut faire, pour sauver une installation industrielle aussi importante à savoir, vendre à des étrangers [basés à l’autre bout du pays]?

Sérieusement, la société québécoise toute entière a un gros examen de conscience à faire.

On s’en va directement dans le mur si, en plus de permettre aux étrangers d’acheter notre base industrielle, on les PAIE GRASSEMENT pour qu’ils le fassent.

Et ne croyez pas que les 102,4M$ vont aller dans les poches des travailleurs, comme le suggère mon article car il n’y aura qu’une toute partie de ce prêt qui sera, en fin de compte, utilisé pour financer les salaires des travailleurs qui auront encore un emploi, une fois les “transformations” complétées, par l’acheteur pressenti (Fortress).

C’est bien beau les histoires de transnationales étrangères (basées à l’extérieur du Québec) qui viennent acheter tout ce qu’on a de plus précieux mais là, il va falloir qu’on se réveille parce qu’à force de laisser partir nos plus gros moteurs de production industrielle pour de proverbiales “peanuts”, nous allons nous ruiner.

Le Québec ne deviendra JAMAIS riche avec des Wal-Mart, des Zellers, des Home-Depot, des BestBuy, des HMV, des Gap, des Nestlé, des Danone, des Esso, des Shell et d’innombrables autres transnationales étrangères qui exportent ce qu’il nous reste de richesse vers d’autres pays, souvent via des montages comptables “exotiques” où nos fonctionnaires du fisc en perdent carrément leur latin.

Autrement dit, si on veut avoir un Québec fort —qu’importe qu’il s’agisse d’une province ou d’un pays— il nous faut reprendre le contrôle de nos terres et de nos moyens de production, en plus de cesser de financer les autres pour qu’ils viennent nous prendre ce qu’il nous reste!

Au moment de publier cet article, Investissement Québec n’a pas encore décidé de prêter les 102,4M$ (ou plus) à Fortress Paper, de Vancouver-Nord.

Même Norman MacMillan, le ministre responsable de Papineau, se refuse à tout commentaire tant que le gouvernement du Québec (via Investissement Québec) n’a pas approuvé la vente.

S’il nous reste une once de jugement, nous refuserons la vente cet important actif à des étrangers afin d’explorer une alternative “locale” pour relancer cette usine. L’idée d’une coop industrielle me semble prometteuse mais encore faut-il que les syndiqués (les “so-so-so, solidarité” qui agissent comme un troupeau de moutons) soient assez intelligents pour comprendre l’importance de demeurer propriétaires, chez-nous. C’est loin d’être clair que les syndiqués soient intéressés à se prendre en main car au cours des derniers mois, ils ont nettement donné l’impression qu’ils cherchaient à se faire entretenir, qu’importe la provenance du “souteneur”. Enfin bref, il appartient aux syndiqués de manifester leur intérêt à agir en propriétaires plutôt qu’en locataires, si c’est ce qu’ils veulent.

Pendant ce temps, les citoyens québécois devraient être très prudents avec les histoires de prêts sur dix (10) ans à des compagnies étrangères parce que ça nous coûte cher, à nous, de financer ce genre de prêts à hauts-risques (qu’aucune banque ne veut “prendre”) qui peuvent nous “péter” au visage et alors, ce seront nos enfants qui devront rembourser ce prêt, capital et intérêts.

Il importe de préciser que les Québécois n’ont que de bons sentiments pour leurs frères britanno-colombiens et qu’ici, l’enjeu n’a rien à voir avec nos relations bilatérales mais plutôt, la pertinence pour des Québécois de financer le succès d’entrepreneurs étrangers, au détriment d’entrepreneurs locaux.

Le Québec croule sous les dettes.

La dernière chose dont nous avons besoin, c’est d’une “vente de feu” de nos usines.

Plus que jamais, les Québécois doivent se réinventer pour reprendre le contrôle de leur patrimoine, en commençant par nos terres et nos moyens de production pour garder la vraie richesse, ici.

Dit autrement, il est temps que les Québécois commencent à agir en propriétaires.

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5 réponses

  1. Il y a autre chose qui devrait nous inquiéter dans l’acquisition de l’usine de Papiers Fraser, à Thurso [par Fortress].

    À la page 4 de leur plan stratégique [d’achat], daté du 18 mars 2010, il est écrit que les opérations sont canadiennes mais que les ventes, elles, sont asiatiques.

    Ainsi, non-seulement payons-nous le prix fort pour financer Fortress, une entreprise venue d’ailleurs mais en plus, nous limitons notre action à fournir des produits bruts aux Asiatiques qui, eux, feront un maximum d’argent à les transformer!

    Si l’objectif était d’enrichir les Québécois, cette usine serait aménagée afin de pouvoir y TRANSFORMER, sur place, un maximum de produits bruts afin d’encaisser autant de profits que possible, ici [et non en Asie, à l’autre bout du monde].

    Amis québécois, le temps est venu de mettre un frein à la saignée de nos ressources naturelles qui dans les faits, ne servent qu’à enrichir les autres.

    Si Investissement Québec décide de “financer” ce projet économiquement et socialement contre-productif, la preuve aura été faite que cet organisme est dirigé par des mondialistes qui se moquent des intérêts des gens d’ici et de la société québécoise.

    Ce n’est pas en endettant nos générations à venir pour enrichir des transnationales étrangères que le Québec va se sortir du gouffre dans lequel il se trouve.

  2. À 9h50, ce matin, j’ai eu le plaisir de m’entretenir avec Mme Josée Béland, des relations avec les médias, pour Investissement Québec.

    Elle m’a confirmé que des négociations avaient cours, en ce moment, à Montréal, entre Fortress Paper et Investissement Québec.

    En général, IQ n’investit dans un projet qu’après avoir analysé…

    • les retombées;
    • le niveau de risques;
    • la capacité de rembourser (de l’emprunteur); et
    • les résultats de l’analyse sectorielle [émanant souvent du ministère du Développement économique du Québec].

    Pour l’instant, ce n’est pas clair si une institution financière pourrait participer, en tout ou en partie, au prêt que pressens Fortress — si ça se produisait, il ne serait alors pas impossible qu’IQ intervienne pour une garantie de prêt mais pour l’instant, il ne s’agit que de spéculations.

    En fait, le chiffre de 102,4M$ a été abondamment circulé dans les grands médias mais ne vient pas d’IQ qui, pour sa part, ne confirme évidemment pas ce montant.

    Mme Béland a répondu à toutes mes questions et a montré beaucoup de respect pour ma position “pro-propriétaires chez-nous” mais elle a également pris la peine de me préciser que l’orientation actuelle d’IQ allait dans le sens de considérer des prêts à des entreprises, qu’elles soient d’ici et d’ailleurs. La modification de cette “mission” passerait, bien entendu, par le pouvoir politique alors c’est là que nous devrions concentrer nos efforts, si nous souhaitons voir cet outil de développement économique [IQ] concentrer son action sur “les projets d’ici, par des gens basés ici”.

    Si les syndiqués de l’usine de Thurso souhaitent reprendre le contrôle de leur usine, via une coopérative industrielle ou autrement, il n’est pas encore trop tard…

  3. Je travaille chez Fraser Thurso, si vous ne savez pas de quoi vous parlez alors fermez-la; aucun investisseur québécois n’a voulu nous aider, sauf celui de Vancouver.

    N’oubliez pas que c’est 350 emplois directs et près de 600 autres indirects. Combien d’emplois durant la construction? Réponse: beaucoup. Comme travailleurs, nous payons des impôts, même beaucoup d’impôts.

    Ceci dit, avant de trop parler, pensez aux travailleurs ainsi qu’aux familles que cela touche.

  4. Merci pour vos excellents messages, Marc et Trevor.

    Marc, j’ai pris le temps de corriger vos petites fautes d’orthographe parce que votre message est tout aussi important que le mien.

    Je prends pour acquis que vous êtes ouvert aux débats et que vous avez assez d’ouverture d’esprit pour ne pas vous limiter à demander à quiconque ne pense pas comme vous de “se la fermer”.

    Bon, vous avez à défendre votre emploi et c’est clair que vous avez pu constater, de première main, l’absence d’acquéreurs potentiels, basés ici, au Québec.

    Il faut cependant se demander si de tels acquéreurs locaux se seraient manifestés si IQ avait offert quelques 100M$ à quiconque pourrait relancer l’usine. Il semble que l’aide providentielle du gouvernement du Québec n’ait commencé à circuler dans les médias qu’après l’offre déposée par Fortress — ça m’agace de voir qu’il existe un évident manque de communications entre les acteurs économiques québécois et aussi, de voir l’empressement presque suspect d’IQ de vouloir remplir les coffres de Fortress alors que ce n’est pas encore clair comment l’argent sera utilisé (ou même, si VOTRE EMPLOI sera préservé, pendant les dix [10] ans du prêt).

    Bien qu’il faille s’ouvrir sur le monde, le Québec d’aujourd’hui se retrouve tel un parent-pauvre dans sa propre maison: nos ressources naturelles sont exploitées en quasi-totalité par des transnationales étrangères (ou non-basées au Québec) et en fin de compte, nos gouvernements subventionnent le maintien des emplois et non la création de richesse à long terme via la consolidation de la “propriété québécoise” de nos ressources et usines des transformation [primaire].

    L’exemple de l’usine des Papiers Fraser à Thurso n’est donc qu’un exemple parmi de nombreux autres mais puisqu’il défraie l’actualité, en ce moment, il importe d’en parler.

    Si vous croyez que la passation de la propriété à une transnationale étrangère est la bonne façon pour le Québec d’aujourd’hui de s’enrichir, alors tant mieux: votre vœu sera probablement exaucé.

    En ce qui me concerne, j’aurais aimé voir votre groupe de travailleur exiger de devenir les propriétaires des lieux via une puissante coopérative industrielle. Vous auriez reçu, vous aussi, des dizaines de millions de dollars en prêts du gouvernement et en plus, vous seriez devenus des propriétaires et non des employés (qui, au fond, n’ont pas le pouvoir des patrons).

    Le lien de Trevor mène au blogue de Fortress Paper et il va de soi que c’est intéressant de lire à propos de cette compagnie de manière un peu moins formelle que dans leur site web.

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