On gagne à parler français… vraiment?

Qu’elle est belle, notre langue française!

Les Québécois font vivre le français, à chaque fois qu’ils la parlent, la pensent et la réinventent. Les autres francophones du monde entier en font autant, dans leur coin du monde. Personne ne remet en doute la noblesse de parler la langue de Molière.

ici-on-gagne-a-parler-francaisAu Québec, parler français, c’est courant, admis et même encouragé, particulièrement par Immigration, diversité et inclusion Québec (MICC) qui administre la campagne Ici, on gagne à parler français mais au fond, est-ce qu’on gagne vraiment?

D’accord, pour des immigrants qui veulent servir des clients Québécois-francophones mais pour les francophones, il faut se poser la question, froidement.

Après tout, quiconque a récemment cherché un nouvel emploi a vite constaté le net avantage que l’anglais procure. Certes, le français peut servir mais c’est l’anglais qui domine car c’est souvent la langue semi-formelle de l’employeur, sur le lieu de travail et surtout, c’est la langue des communications officielle en provenance des bureaux situés à l’extérieur du Québec.

Bon, l’Office de la langue française (OLF) fait des gros yeux aux compagnies qui refusent de donner préséance au français dans leurs activités mais lorsqu’ils ont le dos tourné, le West Island au complet et une bonne partie du “downtown Montreal” se remettent à parler la langue avec laquelle ils conduisent leurs affaires et pour une part importante, c’est l’anglais.

Certains employeurs font des efforts louables pour servir leurs clients en français mais dès que c’est possible ou plus commode, c’est l’anglais qui est utilisé.

Alors imaginez le francophone qui veut aller travailler dans leur entreprise. S’il ne connaît que le français, il pourrait avoir moins de chance d’occuper l’emploi pressenti qu’un travailleur bilingue ou même, qu’un anglophone qui baragouine le français avec un air sympathique! Oui, l’anglais gagne beaucoup de terrain à Montréal. Alors comment diantre est qu’on gagne à parler français, dans une telle situation?

Il ne faudrait pas non-plus oublier que plusieurs transnationales étrangères ont justement établi leur bureau-chef québécois dans l’Ouest-de-l’Île-de-Montréal parce qu’on y trouve plusieurs travailleurs bilingues ou anglophones alors quand ils ouvrent des bureaux ailleurs en province, ça signifie que les employés, même “en région”, ont intérêt à maîtriser l’anglais, s’ils veulent de l’avancement, un jour.

C’est normal que les compagnies anglophones veuillent utiliser l’anglais comme langue d’affaires. C’est tellement plus naturel, pour elles, surtout lors des communications hors-du-Québec.

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Ce qui laisse songeur, c’est le slogan “Ici, on gagne à parler français” du MICC. Est-ce que c’est juste un slogan valable pour des immigrants qui veulent gagner quelques clients additionnels en les servant en français ou est-ce que ça s’applique plus généralement?

Parce qu’il y a une promesse implicite, dans ce slogan, qu’on “gagne” à “parler français” mais dans le site web du MICC, ce n’est pas clair, ce qu’on “gagne”, si l’on est pas un immigrant en affaire qui veut amadouer des francophones. La fierté de parler français? La capacité d’exprimer nos idées en français? Peut-être que c’est ça qu’on gagne mais est-ce que c’est “juste ça”?

utiliser-le-francaisEn première page du site web du MICC, on peut lire “Utiliser le français dans vos activités commerciales vous permet de diversifier votre clientèle et d’améliorer vos relations d’affaires” — il y a du vrai dans ça, du moment qu’on parle une autre langue et qu’on se demande s’il vaudrait aussi la peine de parler français pour mieux servir une éventuelle clientèle… francophone.

Pour les francophones, en tant que tel, cette logique du français en tant que langue seconde “qui gagne à être parlée” ne s’applique pas puisque le français est notre langue première. Pour la majorité des Québécois, ce n’est donc pas le français via lequel on gagne mais plutôt l’anglais qui ouvre les portes vers de meilleurs emplois.

Nos élus auraient d’ailleurs intérêt à tout mettre en œuvre pour rehausser le niveau de langage, aussi bien en français qu’en anglais afin qu’on tende vers l’excellence linguistique, dans ces deux langues très importantes, au Québec.

Ainsi, notre langue française nous servirait encore mieux pour exprimer nos idées et faire avancer nos projets et l’anglais, langue de prédilection pour quiconque veut “sortir” du Québec, nous aiderait à communiquer et à commercer avec le monde entier.

C’est louable de vouloir encourager les 50,000 immigrants à parler français, à commencer par ceux qui opèrent des entreprises mais à quelque part, ça coule de source et c’est un peu bête qu’on mette notre argent public dans des campagnes comme ça.

Par exemple, si vous allez vous établir à Mexico, est-ce que ça va vous prendre une campagne de sensibilisation pour faire de l’espagnol votre langue de travail? Probablement pas alors pourquoi faut-il dépenser pour convaincre les immigrants de l’évidence d’utiliser le français? Peut-être parce que ce n’est pas si évident que ça, finalement.

À Mexico, des dizaines de millions de personnes parlent l’espagnol alors la pression est forte pour s’y mettre, nous aussi, Au Québec, c’est une autre histoire parce que nous sommes collés sur de grands bassins d’anglophones, comme en Ontario et dans le Nord-Est Américain. Ainsi, un immigrant pourrait très bien faire des affaires en anglais, sans jamais avoir à se demander s’il serait pertinent de parler français, en plus.

Pour gagner des clients franophones, certes mais de là à changer la culture de l’entreprise pour évacuer l’anglais au profit du français? Hummm… pas certain!

Alors notre gouvernement va continuer à dépenser de l’argent pour tenter de convaincre les immigrants en affaires de faire du français, leur langue de choix mais en tant que société, est-ce qu’on réalistiquement s’attendre à ce qu’ils le fassent?

Certains diront que chaque entrepreneur qui utilisait une autre langue et qui passe au français est une victoire pour le Québec et dans un sens, c’est vrai mais ça fait beaucoup de ressources dépensées pour des résultats encourageants à court-terme, dans le cadre de la campagne mais qui dit que ça durera, dans le temps?

Plusieurs sont d’avis que pour faire grandir le français, incluant auprès des immigrants en affaires, il faut tout simplement être fiers de notre langue. Exiger de se faire servir en français devrait être suffisant pour convaincre n’importe quelle compagnie de nous servir dans notre langue nationale mais dès qu’on se met à forcer les gens à faire quelque chose, on dirait que ça devient plus attrayant de faire un pied-de-nez à la loi et ça devient quelque peu excitant de faire “sa” loi, en parlant anglais!

La loi 101 a fait avancer la cause du français, au Québec mais si on est rendu qu’il faut payer pour tenter de convaincre les immigrants en affaires d’utiliser le français, c’est probablement qu’on s’y prend mal, en général, pour valoriser “notre langue nationale”.

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