L’industrie minière a de quoi célébrer devant l’apathie des Québécois en regard de leurs précieuses ressources naturelles.
En effet, en 2016, les Québécois se sont contentés d’un maigre 1,5% de redevances sur les ressources minières non renouvelables extraites du sol de la province.
Sur une valeur brute des ressources exploitées avoisinant les 8,1 milliards de dollars, ça paie environ 100 millions de dollars de redevances. Un montant négligeable, surtout quand on sait qu’au Canada, la moyenne des redevances se situe plutôt aux alentours des 4,5%.
Ce sont des centaines de millions de dollars que les Québécois laissent filer, à chaque année avec le régime de redevances anémique que la Coalition avenir Québec (CAQ) refuse de revoir à la hausse. Ou de revoir, tout court.
Lors de la dernière campagne électorale provinciale qui a culminé vers le scrutin gagnant pour la CAQ, le 1er octobre 2018, aucun parti sauf Québec solidaire (QS) n’a souhaité augmenter nos redevances. La CAQ, le PLQ et le PQ chantaient le même refrain qu’il ne fallait surtout pas hausser les redevances. Ces partis servent-ils l’intérêt des Québécois ou des riches exploitants miniers basés à l’étranger? Il faut se poser la question devant cet entêtement à appauvrir systématiquement les Québecois pour enrichir presqu’unilatéralement des étrangers.
Des redevances faméliques
C’est en 2009 dans son rapport annuel que le Vérificateur général du Québec (VGQ) avait mis en lumière la faiblesse des redevances, aux Québécois.
Il faut savoir que les ressources minières, gazières, pétrolières et hydrauliques font l’objet d’une gestion des redevances, au ministère des Ressources naturelles et de la Faune.
Le problème n’est donc pas que les redevances n’existent pas mais bien qu’elles sont largement insuffisantes, pour les Québécois.
On comprend comment les opérateurs miniers s’enrichissent mais pour l’enrichissement des Québécois, c’est encore une sorte de vue de l’esprit. Un idéal espéré qui ne sera jamais atteint avec le calcul actuel de la redevance minière, ayant (encore) cours, au Québec.
10 ans plus tard
Même si c’est en 2009 que le VGQ avait dénoncé les redevances dans le contexte des “retombées pour la société” et que les conclusions étaient que les Québécois recevaient trop peu de redevances, rien n’a vraiment changé, en 2019, sous le régime caquiste majoritaire de François Legault.
Pour y voir plus clair, le VGQ avait d’abord fait l’inventaire des coûts, en matière de développement minier, pour les Québécois:
- Crédits et allocations reliés au régime de droits miniers Mesures fiscales (crédits, actions accréditives, recherche et développement)
- Pertes sur investissement des sociétés d’État (ex.: Société de développement de la Baie James, Société générale de financement du Québec, Investissement Québec)
- Fournitures et services du MRNF consacrés à l’activité minière (incluant le Fonds du patrimoine minier)
- Subventions (recherche et développement, soutien à l’emploi, aide aux régions ressources)
- Coûts de réhabilitation de sites contaminés
Ensuite, il y avait les importantes externalités négatives, à savoir:
- Atteinte à la santé humaine
- Dommages environnementaux
- Dommages à la propriété
- Gaz à effet de serre
Ce n’est donc pas rien. Les Québécois paient cher pour soutenir les opérateurs miniers et prennent des risques réels, surtout lorsqu’on pense à la contamination des sites.
Heureusement, il y a aussi des externalités positives et vous le comprendrez immédiatement, c’est toujours de ça qu’on entend parler lorsqu’il est question de “mines”, au Québec:
- Développement régional (emploi, infrastructures)
- Bénéfices de la recherche et du développement
- Développement social (santé, éducation, etc.)
Finalement, les revenus publics se déclinent comme suit:
- Droits miniers et autres redevances
- Impôts sur le revenu des sociétés minières
- Gains sur investissement des sociétés d’État (ex.: Société de développement de la Baie James, Société générale de financement du Québec, Investissement Québec)
- Impôts sur le revenu (emplois miniers)
Ça semble vraiment payant mais il ne faut jamais perdre de vue la créativité fiscale inégalée des opérateurs de mines qui utilisent les “outils fiscaux” à leur disposition, incluant les aides de l’État québécois (souvent de généreux crédits d’impôt) ainsi que le recours à des sociétés de gestion opérées depuis des paradis fiscaux bénéficiant d’accords de non double imposition, avec le Canada.
Au final, les Québécois se retrouvent avec des opérateurs miniers qui canalisent une part ou la totalité de leurs bénéfices dans leurs sociétés de gestion à l’étranger pendant que les pertes sont déclarées ici, pour “optimiser” les déductions au Québec et au Canada.
Le meilleur des deux mondes… pour les minières!
Elle peuvent avoir l’air pauvres et nécessiteuses ici tout en s’enrichissant, légalement, ailleurs.
Tous les opérateurs miniers ne fonctionnent pas selon cette prémisse ultimement préjudiciable aux Québécois mais l’existence de ce scénario n’échappe pas aux transnationales étrangères qui ambitionnent de faire main-basse sur nos ressources.
Comment les blâmer? Leurs actions étant légales, cautionnées par nos élus et les lois qu’ils votent et qu’ils entretiennent, il devient inconvenant de les pointer du doigt mais il demeure que les Québécois demeurent les parents-pauvres de cette mécanique qui se poursuit, d’année en année, sans que les Québécois ne s’enrichissent vraiment.
L’avenir de nos mines
Devant l’évidence de l’exportation massive de nos ressources minières au lieu de les “valoriser” ici (pour créer un maximum de richesse, “localement”), il faut de demander ce qu’on veut faire de nos richesses minières. Les nationaliser? En tout? En partie? Graduellement? Augmenter les taux de redevances? Créer des co-entreprises? Favoriser l’émergence de coopératives minières “locales”?
Il importe que les Québécois revisitent la question des mines, dans leur ensemble.
Le public québécois a tout à gagner à actualiser sa gouverne des mines. En ce moment, les Québécois ont une opportunité de s’enrichir, eux aussi, avec le développement minier du territoire.
Sans chercher à devenir un poids trop important pour les opérateurs miniers, il y a trop d’argent qui nous file entre les doigts, d’où l’importance de refaire nos calculs pour faire des mines un outil de développement pour tous les Québécois.