Avez-vous déjà entendu parler de la semaine de travail de 4 jours, plutôt que 5?
Comme ailleurs dans le monde, les travailleurs du Québec qui occupent des emplois à temps-plein offrent généralement 40 heures par semaine à leur employeur, ce qui signifie habituellement 5 jours de 8 heures, avec les périodes de repas exclues, soit quelques 45 heures passées sur les lieux de travail et si l’on ajoute une demi-heure de transit pour se rendre au travail et une autre demi-heure pour en revenir, c’est 5 heures de plus par semaine, soit 50 heures qui sont dédiées au travail.
Avec autant d’heures « de qualité » offertes à un employeur, que reste-t-il à l’employé pour vivre « sa » vie? Si l’employé a deux jours de congé consécutifs, ça laisse un peu de temps pour respirer mais pas assez pour vraiment décrocher de son travail et prendre du temps pour d’autres projets, plus personnels.
En fait, au Québec comme ailleurs, on s’interroge sur la pertinence de devoir livrer autant d’heures de travail alors que les ordinateurs, les robots et la délocalisation permettent d’atteindre des niveaux de productivité inédits.
Pourquoi s’entêter à passer autant d’heures par semaine à faire continuellement la même chose —à tourner le proverbial boulon— alors qu’on pourrait collectivement organiser notre travail afin d’avoir un meilleur équilibre de vie? Il faut se demander si les employés livrent autant d’heures de travail parce qu’ils le veulent ou parce qu’ils y sont obligés. Tous les cas sont uniques mais on peut penser que la pression pour conserver un emploi, probablement convoité par de nombreux autres aspirants, nécessite d’y investir de longues heures, souvent bien au-delà des 40 heures de la Commission des normes du travail (CNT), un organisme largement édenté qui se contente d’interpréter des zones grises, souvent à la faveur des employeurs à qui l’ont dit, un peu par la bande, qu’ils peuvent faire ce qu’ils veulent, du moment que les employés ne s’en plaignent pas. Vous voyez le genre de dérapage que cette mollesse intellectuelle peut engendrer.
Ainsi, il ne faut compter sur la CNT pour aider les employés à avoir un meilleur équilibre entre leur vie professionnelle et leur vie personnelle. Pour la CNT, c’est toujours correct tant qu’il n’y a pas de plainte et juste là, on voit combien c’est éminemment pipé en faveur des employeurs qui n’ont qu’à dire quelque chose comme « tu sais, tous les autres employés passent au moins 48 heures par semaine ici… tu n’est pas en train de dire que toi, tu ne veux faire que 40 heures… » ou encore, quelque chose comme « si tu veux commencer à parler de la CNT avec ses 40 heures par semaine, on s’est probablement trompés à ton propos et tu n’est pas aussi travaillant que tu le prétendais »… c’est de la grosse manipulation pour EXTORQUER légalement les employés… et la CNT ferme COMPLÈTEMENT les yeux sur cette épidémie d’abus, à l’encontre des employés, pour le profit presqu’unilatéral des employeurs car après 40 heures, le salaire doit être bonifié d’au-moins 1,5 fois (si ce n’est pas 2, selon la convention collective) mais pas pour ces employés qui doivent accepter un salaire souvent fixe (et parfois bonifié de commissions) qu’importe le nombre d’heures travaillées, ce n’est qu’une charge indue, rendue obligatoire.
L’exploitation des employés continue, encore et toujours, grâce à l’extrême passivité de la CNT qui ne fait PAS son travail de protection des employés et de plusieurs spectres d’abus dont ils pourraient être victimes.
Pire, si un employé se plaint à la CNT, il perdra presqu’assurément son emploi en raison d’une quelconque mesure disciplinaire, administrée en catimini, à la première occasion. Aussi pire, les patrons mèneront la vie dure à quiconque OSE se plaindre à la CNT et l’employé en souffrira alors c’est toujours drôle d’entendre la CNT dire qu’elle s’acquitte bien de ses tâches alors que dans les faits, elle laisse l’employé sombrer dans l’enfer d’un milieu de travail qui lui devient très hostile, dès qu’elle se « retire » du dossier. C’est comme si la police laissait la victime qui a porté plainte se débrouiller avec ses agresseurs après avoir assommé ces derniers avec des amendes… combien de temps la victime pourra-t-elle survivre à cette situation, selon vous? Même chose dans les milieux de travail où il y a des patrons-abuseurs… heureusement, il y a aussi de bons employeurs qui offrent d’excellentes compensations, au sein d’une culture d’entreprise vivante, positive et équitable. Il s’agit de bien magasiner son prochain employeur et de faire valoir son intérêt pour un bon équilibre travail-vie personnelle ou travail-famille.
Alors bon, 4 jours de travail au lieu de 5…
Il y a plusieurs moyens d’arriver à baisser le nombre d’heures travailler sans trop pénaliser l’employé, au plan financier. Même si le temps travaillé baisse de 20%, des mesures fiscales simples peuvent réduire l’écart à 10% ou même, à 0%.
Voici des scénarios à envisager…
- 4 jours de travail (32 heures) sur 5 (pour la plupart des salariés);
- 4 jours sur 5 ½ ou 4 jours sur 6 dans la distribution;
- 4 jours sur 7 (hôpitaux, transports);
- 1 semaine libre sur 5;
- 1 semaine longue, 1 semaine courte (pour les chauffeurs routiers par exemple);
- 1 week-end de 4 jours toutes les deux semaines;
- 1 mois libre sur 5 (chercheurs, programmeurs en informatique…);
- 1 année sabbatique tous les 5 ans (chercheurs…);
- Possibilité de prendre 4 années sabbatiques au cours de la vie professionnelle (comprises dans les 42 années de cotisation).
En fait, il s’agit d’être créatif pour offrir un temps de qualité à l’employeur mais dans un contexte où l’employé a beaucoup plus de temps « à lui » où il peut se reposer, prendre charge de ses propres dossiers et vivre une vie sociale plus riche… le tout en ne perdant que très peu ou pas d’argent.
La semaine de 4 jours, pour vous et votre douce moitié peut ouvrir de très belles possibilités. Par exemple, si un conjoint prend son lundi de congé et que la conjointe prend son vendredi, ça ajoute deux jours où les enfants en congé peuvent rester à la maison (pour se reposer, eux-aussi) au lieu d’avoir à fréquenter les services de garde (en garderie ou en milieu scolaire) ce qui ajoute beaucoup à la qualité de vie familiale.
En ce moment, il faut prendre un congé dans la banque déjà passablement courte des 2 semaines de congé annuelles et ça, c’est quand le patron accepte que ces semaines soient prises ça et là et non « en 2 semaines consécutives ». Autrement dit, avec tous les congés scolaires, ce sont les employés et leurs enfants qui paient pour le manque généralisé de flexibilité, dans l’organisation de l’horaire de travail. En gros, le travaille passe avant la vie personnelle, la famille et les enfants. Ça en dit long sur nos valeurs collectives, au Québec.
C’est certain qu’il y a certains professionnels ou cadres qui bénéficient de conditions incroyablement plus avantageuses que celles qui sont accordées aux « simples employés » alors pour eux, la question ne se pose pas ou encore, pas dans la même mesure que pour les employés qui, eux, sont exploités au maximum de leur « consentement », qu’importe si ce consentement vient d’eux ou de la coercition dont ils sont victimes, de la part de la partie patronale qui en demande toujours plus afin de « maximiser l’usage des ressources humaines », qu’importe le prix à payer dans les autres sphères de la vie de ces employés.
Une semaine de 4 jours aide pourtant les employeurs autant que les employés.
Par exemple, en ayant un employé qui travaille 4 jours et un autre 3 jours (dans un contexte où il faut desservir la clientèle 7 jours par semaine), les deux employés arrivent au travail reposés, ressourcés, pleins d’entrain et véritablement motivés à travailler… exactement le genre d’attitude recherchée par la clientèle. Pas surprenant que les meilleurs vendeurs dans plusieurs boutiques soient des employés à temps-partiel, il sont gonflés à bloc lorsqu’ils arrivent au travail et c’est vers ces employés radieux et enjoués que les clients vont, tout naturellement.
En ce moment, une quantité astronomique d’employeurs se targuent de faire travailler leurs employés 48 heures par semaine mais ils évitent de voir les dégâts que ça cause, dans leur entreprise. Manque de repos, d’entrain et de motivation paraissent dans le visage allongé de ces employés et que dire de leur apathie lorsqu’ils s’adressent aux clients. Les deux parties ne prennent aucun plaisir à s’engager dans une relation commerciale dans un contexte aussi répressif.
Pendant que le patron vogue sur son beau bateau, les employés qui gagnent de 5 à 25 fois moins ne comptent pas les heures pour pouvoir continuer d’avoir un emploi parce que le jour où ils se plaignent de leur sort, le patron trouvera une raison, dans leur dossier disciplinaire, pour les mettre à la porte. Et la CNT ne fera rien car pour ces fonctionnaires permissifs, c’est de la régie interne (à moins d’un énorme abus, auquel cas, ils finiront par lever le petit doigt).
Et même s’il y a une amende émise à l’encontre de l’employeur-abuseur par la CNT, ce sont des amendes généralement nominales où le patron paie en riant! Au final, l’employé a quand même perdu son emploi même si ce qu’il voulait, au fond, c’était des horaires de travail plus réalistes et moins abusifs. Tant que le patron s’en tire, pour lui, c’est une victoire. Et c’est pour ça que la jungle du marché du travail fait autant de victimes qui disent « oui » à des horaires abusifs et des conditions de travail inacceptables.
La semaine de travail de 4 jours, dans ce contexte, forcerait les employeurs à offrir de bons salaires couplés à des horaires qui permettent un bien plus bel équilibre avec la vie personnelle.
Et les employeurs auraient d’autres raisons d’aimer les semaines de 4 jours. Par exemple, si un employé doit s’absenter de son travail pour des causes personnelles (maladie, décès ou autre), il peut le faire sans problème puisqu’il a un autre collègue qui fait son travail, les 3 autres jours et qui peut, pendant une courte période de temps, offrir de dépanner. Aussi, que dire de ces nombreux moments supplémentaires de réseautage social accompli par les employés « en vacances » un jour de plus par semaine? Certainement, ça aidera à identifier de nouveaux clients… et ça coûte pas un sou de plus à l’employeur. Comment dire non à ça?
Nous en sommes rendus à une époque où les technologies nous permettent de travailler moins d’heure tout en offrant le même rendement et même plus.
Aussi bien les employeurs que les employés doivent ajuster leur agenda en fonction de l’établissement d’une mécanique faisant appel aux 4 jours de travail par semaine, au lieu des 5 ou 6, actuellement.
En tant qu’individus, nous y gagnons tout comme en tant que membre d’une organisation où des emplois sont offerts (des emplois qui peuvent être « partagés » entre deux travailleurs) mais c’est en tant que société où l’on y gagne le plus car tout le monde sera davantage capable de se reposer, s’occuper de ses affaires, de réseauter et ainsi, de prospérer comme jamais.
Qui plus est, notre taux de chômage serait à peu près nul car il y aurait de la place pour tout le monde, dans un marché de l’emploi ainsi réorganisé. Et on ne parle même pas du mentorat naturel qui aurait lieu, à l’interne, dans les compagnies, entre celui qui passe de 5 à 4 jours de travail et l’autre qui arrive pour combler les 3 autres jours. Ce serait redoutablement efficace et il y aurait toujours un collègue pour aider lorsque la charge de travail devient ponctuellement trop importante.
Nous n’arrêtons pas de parler des vertus du travail d’équipe alors grâce à la semaine de 4 jours, c’est le temps de s’y mettre afin de passer de la théorie à la pratique. La semaine de 4 jours, dès son établissement, va amener un niveau de stabilité inédit, pour les employeurs qui pourront désormais compter sur une main d’œuvre ultra-performante qui arrive au travail avec un niveau de concentration qu’on ne peut atteindre que lorsqu’on est bien reposé et mentalement disposé à donner le meilleur de soi-même.
En fait, c’est un peu incompréhensible que les employeurs et les employés du Québec n’aient pas encore EXIGÉ l’établissement d’un horaire sur 4 jours. Ça fait tellement de sens, à l’ère de l’informatique, de la robotique, de l’automatisation et de l’impartition que de rester dans le piège de la semaine de 5 ou de 6 jours ne fait que causer sans cesse plus de tort à nos organisations.
Il faut recentrer le travail sur l’humain et non sur des scores à atteindre, depuis de savants calculs dans des feuilles MS-Excel. Moins de MBAs qui font danser des chiffres et plus d’employés en charge de leur segment du travail pour qu’ils puissent l’ajuster en fonction des meilleurs paramètres possibles, dans un ensemble cohérent où les autres font la même chose.
Nous sommes à la croisée des chemins et il nous appartient de se renseigner à propos de avantages et des inconvénients de la semaine de 4 jours pour se faire sa propre idée mais vous verrez, au final, c’est positif, pour tout le monde.