Tout le monde connaît l’émission télévisée Dans l’œil du Dragon qui entreprend sa 6e saison, sur les ondes de Radio-Canada.
Chaque saison amène son lot de Dragons et cette année (2016), on retrouve:
Radio-Canada parle de l’émission sous cet angle: “Une nouvelle saison qui nous confirme que l’entreprenariat au Québec est un domaine extrêmement créatif et stimulant” mais entre les lignes, on comprend que pour qu’une émission de “gros égos” comme ça fonctionne, il faut que le financement de “start-ups” soit diablement mal en point, au Québec.
Les Dragons essaient de se donner une belle image.
Ils se présentent comme des entrepreneurs accomplis dont la volonté de réussir triomphe de toutes les embûches. Dans certains cas, il y a un petit peu de ceci ou de cela mais c’est loin d’être “toute l’histoire”.
Jamais ces Dragons ne vont s’épivarder sur le “love money” qu’ils ont eu ou encore, un héritage providentiel qui a propulsé leurs moyens de réussir leurs plans d’affaires. Vous n’entendrez pas parler, non-plus, des subsides gouvernementaux, trop souvent obtenus en copinant avec les élites politiques. Non, ces Dragons se dessinent comme des gagnants parce qu’ils ont de l’argent.
Arrogance
Le concept de cette émission est toxique.
Des parvenus qui font défiler des entrepreneurs sans moyens pour décider qui sera méritant de leur pitance.
Le processus a lieu dans un tel contexte d’arrogance que le public qui réalise la chose ressent un profond malaise.
En gros, le message c’est que les riches peuvent se pavaner sans fin, drapés dans leur emballage télévisuel, afin de décider s’ils vont allouer de proverbiales grenailles à des “demandeurs” qui, parce qu’ils sont pauvres, sont susceptibles d’accepter à peu près n’importe quoi, pour survivre ou donner vie à leur rêve d’entreprise.
Ce n’est pas pour rien que le concept porte le nom de “dragon” puisque dans la mythologie, ceux-ci décimaient les populations, partout où il passaient.
Dans l’œil du Dragon, c’est un spectacle d’arrogance, pure.
Pas de pitié pour les pauvres… qu’ils se contentent de ce que “les riches” leur donnent… ou ne leur donnent pas.
Humiliation des petits entrepreneurs
Il est vrai qu’un entrepreneur doit apprendre à vendre son projet. Personne ne conteste cela mais rares sont ceux qui ont de l’expérience à le vendre, à la télévision.
On comprend que le travail des Dragons, c’est de donner un spectacle enlevant avec des questions piégées, des offres trop basses ou pas d’offre du tout. Le petit entrepreneur qui vient présenter son projet, de bonne foi et avec enthousiasme, devient donc le “con” dans ce “diner de cons“.
Les Dragons permettent à ce petit entrepreneur de déballer son sac et de présenter son projet pour ensuite le canarder de questions tordues, pimentées d’opinions personnelles douteuses, dans le but de l’humilier et ainsi le prédisposer à accepter une offre bien en-deça de ce qu’il demande.
Il arrive que certaines entrepreneurs obtiennent ce qu’ils demandent mais ça demeure l’exception.
La grande majorité des petits entrepreneurs passent à l’émission et repartent les mains vides. Ils ont une certaine visibilité mais c’est tout. Pour le reste, ils ont subi toute la méchanceté des Dragons qui, on le voit, sont là pour “avoir un deal, au plus bas prix”. Rien de bon pour ces petits entrepreneurs, la majorité du temps.
Et quand un petit entrepreneur reçoit les grenailles d’un riche Dragon, c’est rarement ce qu’il demandait et presque toujours affublé de conditions perdantes (mais gagnantes pour le Dragon). En fait, le Dragon cherche à s’accaparer le plus de contrôle ou de revenu possible sans tuer le projet du petit entrepreneur. On est loin du “love money”!
Anti-entrepreneurs
Pour ces Dragons qui essaient de nous faire croire qu’ils sont pro-entrepreneurs, c’est raté. On ressent plutôt une trame de fond anti-entrepreneur, à savoir qu’entreprendre semble impossible sans les prétendues largesses des Dragons.
Dans les faits, il existe d’autres moyens moins humiliants d’obtenir du financement, notamment d’obtenir une première vente, de trouver un commanditaire stratégique de départ ou encore, de lancer une campagne de financement participatif (crowdfunding), aux États-Unis (où il y a de l’argent) mais pas au Québec (où il n’y a que des pécadilles et une portée très limitée).
Dans l’émission des Dragons, on tombe sous l’impression que si aucun riche Dragon ne daigne laisser tomber quelques pièces en échange d’une proverbiale chaîne autour du cou de ce petit entrepreneur, il est foutu.
Ça respire l’anti-entrepreneuriat à plein nez.
Si ces riches Dragons n’étaient pas riches, ils ne seraient pas des Dragons, qu’importe leur “instinct pour les affaires”. C’est le gros cash qui mène le show mais en bout de ligne, ces Dragons ne sont pas là pour stimuler l’entrepreneuriat mais pour s’enrichir, personnellement.
Encore une fois, un beau mélange d’arrogance, d’humiliation du pauvre et d’anti-entrepreneuriat pour bien faire comprendre à ceux qui ont des idées que partir un projet, c’est diablement désagréable.
Fonds publics
Le plus drôle dans tout ça, c’est qu’une telle émission ne peut avoir lieu qu’avec l’argent du public.
Et oui, chers téléspectateurs, c’est VOS IMPÖTS et VOS TAXES qui financent l’essentiel de l’émission et qui compense les riches Dragons pour leur temps, si “précieux”.
Ça en dit long sur la réelle volonté des Dragons d’aider de petits entrepreneurs. On comprend très bien qu’ils sont là pour se bourrer la face dans l’assiette de la visibilité grand-public et faire main-basse sur de beaux projets d’entreprises.
C’est le public qui paie pour Radio-Canada (et encore plus depuis que Justin Trudeau a choisi d’y injecter un autre 625 millions de dollars) et en ce sens, il y a énormément d’argent public dans cette émission qui prétend faire l’éloge du capital privé. En plus de rire des petits entrepreneurs, Dans l’œil du Dragon rit des contribuables.
Des égos pervers narcissiques
Ceux qui ont écouté l’un ou l’autre des épisodes de l’émission des Dragons ont pu voir à quel point ce sont presque tous des richards à l’égo démesuré.
Ils passent le plus clair de leur temps à redorer leur blason pour confirmer leur autorité morale sur toutes les questions liées au lancement, au financement, à la gestion et à la promotion d’une entreprise.
Au lieu de travailler ensemble, ils se concurrencent entre eux dans une fausse enchère, donnant l’impression d’une bonne affaire pour l’entrepreneur mais en réalité, dans presque tous les cas, le premier à déposer sa mise fixe “une base” pour les autres qui, au fond, ne font qu’ajouter quelques points à l’offre initiale. Rarement dans le but d’aider l’entrepreneur mais plutôt de s’entre-valider, entre-eux, dans leur interprétation du projet qui leur est présenté.
Les Dragons prennent plaisir à mettre le petit entrepreneur devant des choix impossibles. Tenaillé entre une perspective de financement insuffisant et la possibilité de ne pas pouvoir lancer son entreprise, le petit entrepreneur finit trop souvent par accepter un peu n’importe quoi.
Certains Dragons qui ont quitté l’émission, par le passé, sont passés à autre chose mais ceux qui y restent utilisent leur argent pour se créer une image de mouton doux alors qu’on voit qu’ils agissent en meute, comme des loups.
Ainsi, les Dragons essaient tant bien que mal de cacher le fait qu’en réalité, ce sont trop souvent des pervers narcissiques qui prennent un immense plaisir à se vautrer dans leur richesse, d’autant plus agréable que les autres n’ont absolument pas accès au statut privilégié que cela procure.
Amuser le peuple
Un grand nombre de fans de l’émission doivent se réjouir de voir que c’est si difficile d’obtenir un semblant de financement pour lancer une entreprise.
Ça les conforte dans leur propre richesse. Ils peuvent se dire qu’eux, au moins, n’ont pas besoin de passer par le tordeur télévisuel des Dragons pour payer leur prochaine tranche de pain.
Au fond, Radio-Canada ne cherche pas à aider ces entrepreneurs, il cherche à les utiliser pour amuser le peuple.
Les commentaires des Dragons ne vont pas dans le sens d’aider l’entrepreneur, ils vont dans le sens de détruire son projet, à coups de petits commentaires, livrés avec un air supérieur.
Aucune humanité ou alors, très peu.
C’est juste les affaires, c’est pas personnel. Pas vrai? Faux, c’est toujours personnel mais les Dragons préfèrent feindre l’indifférence, devant cette évidence.
En finir avec cette farce
Le Québec se porterait mieux sans cette émission.
Nos petits entrepreneurs devraient être en train de se partager le 1,32MM$ que Bombardier a reçu du gouvernement du Québec. Donner la chance à des gens réellement créatifs plutôt que d’engraisser la famille Beaudoin avec sa fortune personnelle dépassant les 4MM$ mais qui refusent de l’utiliser pour financer leurs propres projets. C’est plus agréable avec de l’argent public.
Enfin bref, si nos petits entrepreneurs sont pris pour passer à la “tivi” pour tenter d’obtenir des cennes pour leur projet, c’est en grande partie parce que nos élus ne leurs accordent à peu près aucun respect ou alors, infiniment moins qu’à la très, très grande entreprise, comme Bombardier.
Tant mieux si certains entrepreneurs ont réussi à obtenir quelque chose de cette émission mais pour l’essentiel, la face a assez duré et c’est le temps de mettre fin à cette insulte, sous forme d’émission de télé subventionnée.