Le nouveau CHUM laisse songeur

Le 18 août 2008, Philippe Couillard, alors ministre de la Santé pour le gouvernement libéral de Jean Charest, a préféré larguer ses responsabilités ministérielles ayant un effet sur tout le réseau public pour joindre Persistence Capital Partners, en tant qu’associé, le premier fonds d’actions privé dédié au secteur de la santé, au Canada.

Ce fonds privé, non-coté à la bourse, est la propriété du Dr Sheldon Elman et de son fils Stuart. Les deux hommes ont fondé et administrent toujours le Groupe Santé Medisys, dont le siège social se trouve rue Sherbrooke, à Montréal.

Ces investisseurs, incluant le Dr Couillard, anticipent un boom dans les services médicaux privés. Il se trouve que les dépenses gouvernementales en soins de santé gonflent à un rythme effréné, soit 160 milliards de dollars au Canada en 2007, ou 11% du PIB. Sans surprise, on voit que le réseau public déborde de toutes parts.

C’est pour cette raison que le Dr Couillard a abandonné les Québécois à leur sort (selon le point de vue) et qu’il a préféré mettre son génie à l’œuvre pour assurer une place de choix au privé, dans notre système de santé canadien.

Quel est le lien avec le CHUM?

Et bien, autant le Dr Couillard que le nouveau ministre de la santé, le Dr Yves Bolduc, croient que le fait de bâtir un 2e hôpital universitaire d’importance, en plein centre-ville de Montréal, est une bonne idée.

Hummm…

Pensons-y, un petit instant.

Est-ce qu’un énorme hôpital universitaire comme le CHUM, érigé sur l’actuel espace occupé par l’hôpital St-Luc, va vraiment aider à freiner la dérive vers le système de santé privé?

Non.

En fait, ça ne fera que l’accélérer.

Pourquoi?

Parce qu’avec des dépenses appréhendées de quelques 2,5MM$ (qui gonfleront assurément au double ou au triple d’ici sa complétion, dans environ 10 ans) draîneront à peu près tous les budgets de développement en santé qui auraient dû être essaimés un peu partout, dans la province.

C’est bien beau de tout concentrer à Montréal, qui aura deux immenses hôpitaux universitaires, un par langue principale, mais voilà, le Québec, ce n’est pas que la métropole. Et même les Montréalais, eux-mêmes, ne sont pas tous très chauds à l’idée que les deux méga-hôpitaux soient concentrés à des endroits où il n’y à peu près pas de stationnement et où la pollution urbaine (poussière, bruit et autres) sont à leur comble.

Imaginez l’aubaine pour des compagnies de santé privées qui auront le champ libre pour implanter toutes sortes d’établissements ailleurs, en province. Ce sera “bar open” car tous les budgets seront canalisés à Montréal.

Pour l’heure, environ la moitié des médecins formés à McGill quittent le Québec, une fois leur diplôme obtenu, grâce à l’infinie générosité de tous les Québécois. Autrement dit, nos impôts servent déjà à former assez de médecins mais une fois diplômés, ceux-ci se dépêchent de déménager dans un autre pays, nous laissant à notre sort, un peu comme le Dr Couillard, pour qu’on se débrouille seuls avec nos problèmes.

Dans un tel contexte où c’est clair que le privé gagne du terrain, que le public ne répond plus aux véritables besoins de la population avec un énorme hôpital centralisé et un exode systémique des médecins anglophones, la construction d’un méga-hôpital laisse songeur, pour dire le moins.

  • Ne serait-il pas possible de bâtir 4 hôpitaux régionaux au coût de 500M$ chacun, au lieu d’un seul méga-hôpital?
  • Ne pourrait-on pas convertir l’hôpital anglophone de McGill en hôpital universitaire bilingue, au lieu d’en bâtir un par langue? Y aurait-il deux solitudes incapables de travailler ensemble, au Québec?
  • Quelqu’un a-t-il pensé qu’en période de récession (oui, nous sommes en récession, les amis), ce n’est pas le temps de jeter par terre un gigantesque hôpital comme St-Luc?
  • Et c’est bien beau les coûts liés à la CONSTRUCTION du méga-hôpital mais qu’en sera-t-il des coûts de GESTION de cet immense éléphant blanc?

Enfin bref, c’est loin d’être clair que le nouveau méga-hôpital (francophone) de Montréal bénéficiera aux Québécois, dans l’ensemble. Parce que, rappelons-le, ce sont tous les Québécois qui financeront ce projet très mal ficelé et non uniquement les Montréalais.

Pire, ça s’enligne pour devenir le principal argument de ceux qui vantent les mérites du privé. Durant une décennie entière, le budget de santé sera aspiré vers Montréal et les régions, à toutes fins utiles, n’auront d’autre choix que d’accueillir le privé — excellente stratégie pour les émules du Dr Couillard qui ont choisi le camp du privé mais vu les circonstances, c’est une mauvaise nouvelle pour le reste des Québécois qui vont devoir PAYER EN DOUBLE.

Et n’allons pas croire que les Montréalais seront exemptés de la surfacturation du privé parce que pendant la décennie de la construction du nouveau CHUM, les gens de Montréal n’auront d’autre choix que d’aller se faire traiter en périphérie ou en région… dans le privé!

En fait, le Dr Couillard a vu juste.

Il a compris, lui, que la lourdeur syndicale couplée à la complexité réglementaire avaient signé l’arrêt de mort du système public en l’étranglant de toutes parts.

Les citoyens ne sont plus capables de financer le système de santé public qui est en faillite technique.

Ceci dit, le principe du système de santé public et universelle, lui, conserve toutes ses lettres de noblesse. Et c’est vers ce système qu’il faut canaliser tous nos efforts.

Mais les syndicats, grands partenaires du gouvernement dans l’exploitation indue des payeurs de taxes, ont tout bouzillé avec des règles aussi socialement injustes que malsaines.

Alors que les contribuables n’en peuvent plus de payer, avez-vous entendu un seul syndicat déclarer qu’il offrent de couper de 30% ou plus leur compensation? Non, bien sûr que non. Eux, ils vivent dans le monde de l’endettement public sur les épaules de nos enfants. Il se foutent complètement d’endetter les générations futures, du moment qu’ils aient leur GROS chèques de paie tout-de-suite.

Les syndicats n’ont aucun vision.

Aucune.

Sauf celle d’exploiter leurs “membres” et les contribuables pour s’enrichir unilatéralement.

Et les élus, avec quelques têtes dirigeantes qui frayent avec des milliardaires et les autres (le troupeau castré) qui votent selon la “ligne de parti”. Un autre terme pour signifier qu’ils ne représentent PAS leurs citoyens mais bien la “vision” du chef. Et non, le chef n’a pas de “vision”. Il n’a que des “commandes” provenant des milliardaires avec qui il se tient.

Alors, le citoyen moyen regarde aller ce cirque.

Avec le Dr Bolduc qui a l’air d’un robot dans les interviews et qui prétend, sans être convaincant, que tout va bien.

Avec Jean Charest qui abonde dans le même sens que son ministre de la santé.

Avec le reste du troupeau libéral qui dit toujours “oui, chef”, sans réfléchir.

Et l’opposition (quelle farce) qui ne peut RIEN FAIRE pour les cinq (5) prochaines années.

Wow.

C’est là où est rendu, en matière de santé, au Québec.

Et si vous êtes un citoyen avec une bonne idée, bonne chance! Elle ne se rendra JAMAIS aux décideurs, notamment parce qu’ils sont en train d’exécuter le “plan” de leurs “amis”. Et le CHUM, cette faillite technique avant même d’avoir posé la première brique, n’est qu’une intervention parmi plusieurs autres qui favorisera “les amis” plus que jamais auparavant, dans l’histoire.

Comment s’en sortir?

  • Forcer le gouvernement à couper 50% de la fonction publique pour en réembaucher 30% à des salaires RAISONNABLES et sans la sécurité d’emploi (pour fouttre les cancres à la porte, dès qu’ils se manifestent, comme dans le privé).
  • Forcer les élus à représenter les choix de LEURS CONCITOYENS et non leur ligne de parti, signe de leur incompétence perpétuelle.
  • Forcer les médecins à intégrer pleinement les soins de santé alternatifs à la médecine générale afin de prioriser la SANTÉ GLOBALE plutôt que des “interventions” et de coûteux “traitements” qui enrichissent les mafias médicales et pharmaceutiques mais qui ne font pas tout le bien prétendu.
  • Forcer le système d’éducation à enseigner, en très bas âge, l’importance de bien manger, de bouger et de prendre soin de son corps comme si c’était un temple sacré. Et que tout ce qui entourre l’éducation agisse selon ces préceptes. Fini la malbouffe, fini les demi-heures de gym aux deux semaines et fini les cours toujours assis.

Il y aurait bien d’autres façons de s’en sortir mais bon, comme les quatre (4) mentionnés ici ne seront JAMAIS suivis, ça ne donne à peu près rien de mentionner les autres.

Pour que les choses changent et qu’on ne se fasse pas enfoncer un CHUM dans la gorge, ça prend bien plus qu’un blogue comme celui-ci qui dénonce une situation aberrante. Ça prend une population au complet qui se lève et qui s’oppose à la tyrannie bureaucratique, structurelle et implicite d’un système qui favorise continuellement des intérêts privés, d’une façon ou d’une autre, en s’assurant que le public en paie les frais.

À ce chapitre, surveillez les PPP, les amis, c’est la plus spectaculaire supercherie jamais mise sur pied par Jean Charest et ses complices.

Enfin bref, dire tout ça, c’est un peu comme prêcher dans le désert.

Ceux qui ont le pouvoir, tout le pouvoir, n’écoutent plus le peuple depuis longtemps. Ils n’écoutent que leurs maîtres, ces grands argentiers de l’ombre qui ne font qu’entretenir la médiocrité sociale où les problèmes sont légions et où leurs “solutions” à ces problèmes les maintiennent au sommet de leur hégémonie économique systémique.

En cette période des impôts, c’est unbon temps pour se demander à quoi servent les milliers de dollars qu’on envoie à Québec et à Ottawa… et pendant ce temps, le CHUM “avance”!

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