Malaise autour de la guignolée des médias

La Grande guignolée des médias a eu lieu un peu partout au Québec alors que des vedettes et des bénévoles se sont activés pour ramasser des dons en argent et en denrées pour les plus pauvres de notre société.

Alors que certaines personnes ne manquent de rien, ceux qui vivent le manque ne l’ont pas facile.

La pauvreté québécoise a aujourd’hui mille visages et on ne parle plus seulement des chômeurs, de travailleurs ne gagnant pas assez d’argent, de parents monoparentaux qui manquent d’argent et de temps, d’immigrés qui n’avaient pas anticipé le pire ou même de personnes âgées qui ne sont pas adéquatement prises en charge, on voit des travailleurs de la classe moyenne qui étouffent et ne savent plus comment se sortir du piège de l’endettement.

guignolee-des-medias

visage-de-la-pauvrete-2014

Certains ressentent donc un malaise en voyant s’activer la guignolée des médias parce qu’ils sentent qu’au-delà de cet épisode ponctuel de dons, c’est tout le système économique qui joue contre eux.

Comment ne pas ressentir un malaise en voyant cet effort d’un jour, le jeudi 4 décembre 2014, avec tous ces bénévoles qui agittent leur chaudière de dons près des voitures, aux intersections, alors que le besoin des gens pauvres, au Québec, a lieu toute l’année. Qui bonifie la vie des gens pauvres, à l’année? Nos services sociaux palient aux besoins les plus extrêmes mais pour une large frange qui s’en sort mieux que l’absolue catastrophe, il n’y a à peu près pas de répit… ou d’argent.

Mais ces gens pauvres ne veulent pas l’aumône, pour la très grande majorité. Ils veulent le respect via un emploi où ils gagneront leur dignité par leur travail. Or, il semble que cet accès au marché du travail soit plus difficile, pour eux. À tort ou à raison, on dirait qu’une guignolée bien orchestrée par les médias amène un peu plus dans la vie de certaines personnes pauvres mais au prix de dévoiler à quel point la détresse est réelle et impossible à combler, même dans une toute petite mesure, par un guignolée, aussi réussie soit-elle.

Le gouvernement laisse tomber les pauvres en taxant les produits qu’ils doivent acheter pour survivre mais en ne taxant jamais l’essentiel des produits financiers, favorisant du coup les très riches qui, eux, pourraient payer ces taxes sans aucun problème. Les exemples de ce genre abondent et c’est bien normal, les riches défendent beaucoup mieux leurs “besoins” que les pauvres. De ce côté, à moins d’un changement d’attitude de nos élus, rien ne changera alors il faut trouver des moyens de mieux intégrer les pauvres dans une approche économique inclusive, malgré ces biais pro-riches.

cet-enfant-aura-faim-2013

En fait, il faut trouver le moyen d’éliminer cette horrible pauvreté chronique sans vraiment appauvrir les plus riches. Il faut récompenser l’effort, de manière aussi cohérente, individuellement et socialement, que possible. Y a-t-il moyen d’enrichir Paul sans appauvrir Michel, pour faire image?

Au Québec, quelques 46% des travailleurs vivent de chèque de paie en chèque de paie. C’est très proche de la pauvreté, ça. C’est ce genre de situation qui prouve que le salaire versé est trop bas et qu’il précipite le travailleur dans l’endettement, au moindre coup dur.

La guignolé nous permet de donner pour aider notre prochain mais ça lève aussi le voile sur la dure réalité de tous ces gens qui nous entourrent et dont on ne se doute pas à quel point ils ont de la misère à joindre les deux bouts. À quel point ils sont incapables de bien dormir, torturés par les choix malsains pour eux et ceux qui dépendent d’eux qu’ils doivent prendre, dans leur situation inconvenante. Cette réalité créée un réel malaise mais en même temps, c’est la réalité et il faut la confronter, la changer, lorsque possible. À tout le moins, il faut se demander comment on en est arrivés là et voir si des alternatives économiquement bienveillantes —comme de meilleurs salaires— ne pourraient pas être implantées.

On doit demeurer alertes quant à la pauvreté parce qu’avec l’incertitude économique qui frappe très durement des travailleurs qui perdent leur emploi, pour toutes sortes de raisons, c’est peut-être vous ou quelqu’un qui vous entourre qui pourrait, ô malheur, devoir soudainement composer avec un passage par une période sombre, en pleine pauvreté.

Il ne faut jamais baisser les bras. C’est certain mais en même temps, la pauvreté fait mal à tout le monde parce qu’en répartissant les richesses de manière aussi différente entre les privilégiés et ceux qui ne le sont clairement pas, on finit tous par en payer le prix. Sans tomber dans le communisme (et son idéologie empoisonnée), il y aurait encore moyen de taxer plus justement le 1% pour favoriser une vie plus épanouie pour le 99%, dont VOUS faites partie. Et les pauvres en bénéficieraient, eux aussi.

vedettes-deyglun-lepine-a-la-guignolee-des-medias

En fait, la guignolée des médias a beau créer des malaises, au-delà des fonds et des denrées amassés et remis, il y a cet effort qui va “dans le bon sens”.

Il nous faut maintenant, collectivement, voir à trouver des moyens pour faire vivre cette noble mission qu’est celle de venir en aide à son prochain. Avec une approche plus systémique, on avancerait bien plus vite, semble-t-il.

Vivement des politiques humanistes qui feraient passer l’humain avant l’argent et l’entraide —la vraie— avant la glorification de l’individualisme à outrance.

Et si on veut donner aux plus pauvres, on peut le faire à l’année via divers organismes mais au final, on rêve tous secrètement du jour où l’on aura voté des politiques sociales inclusives qui forcent une répartition juste et équitable des flux monétaires.

Partagez ce billet

Laisser un commentaire

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.